Traitements du Covid-19 : après l’hydroxychloroquine, le plasma également jugé inefficace par le BMJ

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Publié le 26/10/2020
Préparation de produits sanguins par filtration, au Centre de Transfusion Sanguine des Armées (CTSA)

Préparation de produits sanguins par filtration, au Centre de Transfusion Sanguine des Armées (CTSA)
Crédit photo : BURGER/PHANIE

L’utilisation de plasma de sujets ayant guéri d’une infection au Sars-CoV-2 est peu, voire pas efficace dans le traitement du Covid-19. C’est ce que suggèrent les résultats de l’essai clinique indien Placid publiés le 22 octobre dans le British Medical Journal (BMJ).

Près d’un an après l’émergence du nouveau coronavirus, ces résultats paraissent dans un contexte où tous les candidats-traitements qui avaient suscité des espoirs importants au début de la pandémie semblent être abandonnés. La semaine dernière, les résultats préliminaires de l’essai clinique Solidarity de l’OMS concluaient en effet à un manque d’efficacité de l’hydroxychloroquine, du remdesivir, de l’association lopinavir-ritonavir et de l’interféron β. De même, vendredi, sur la base de « nombreuses études récentes » et des « recommandations du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) du 23 juillet 2020 », l’ANSM refusait la demande de recommandation temporaire d’utilisation (RTU) de l’hydroxychloroquine déposée par l’IHU de Marseille.

Mais si plusieurs investigations avaient en fait été menées sur tous ces traitements et auguré de tels résultats, seules deux études randomisées – l’une chinoise, l’autre néerlandaise – avaient jusqu’à présent été conduites sur le « plasma convalescent ». Ces essais cliniques avaient d’ailleurs dû être arrêtés prématurément soit « en raison d’un recrutement inadéquat de patients », soit face à « la nécessité d’une refonte » méthodologique, est-il précisé dans le BMJ. Malgré cette absence de données, « le traitement par plasma de convalescence a reçu une approbation réglementaire pour une utilisation chez des patients de plusieurs pays », rappellent les auteurs de l’étude, qui ont ainsi souhaité s’assurer de l’efficacité et de l’innocuité de ce genre de thérapie.

Finalement, le recrutement dans près de 40 établissements de santé indiens de 464 adultes hospitalisés pour covid-19 modéré – dont 229 ont bénéficié d’une prise en charge classique du covid-19 et 235 ont en plus reçu deux doses de 200 ml de plasma transfusées à 24 heures d'intervalle – a révélé que le plasma ne permettait pas d’éviter l’évolution de la maladie vers des formes mortelles d’infection à Sars-CoV-2.

Pas d’effet bénéfique sur la progression de la maladie

28 jours après le recrutement, les patients du bras d’intervention ont en effet été aussi nombreux à présenter une maladie grave que les sujets du bras témoin. Parmi les individus ayant reçu du plasma, 19 % ont vu leur état de santé se dégrader, et 15 % sont décédés. De la même façon, 18 % des sujets ayant bénéficié d’une prise en charge classique ont finalement présenté une forme grave de covid-19, et 14 % sont morts.

À noter que l’administration de plasma ne semble pas non plus avoir changé la durée du traitement, la proportion de participants nécessitant une ventilation invasive, l’intensité de la réaction inflammatoire présentée par les patients, etc.

D’après l’AFP, le National Health Service en Grande-Bretagne – qui mènerait lui aussi des essais sur le plasma – aurait expliqué que de tels résultats pourraient être dus à l’utilisation d’échantillons trop faiblement dosés en anticorps. « L’essai indien [a] utilisé des dons de plasma contenant entre 6 et 10 fois moins d'anticorps que ceux collectés au Royaume-Uni », précise en effet l’agence de presse, à laquelle le service de santé anglais aurait confié que « d'autres éléments prometteurs [indiquent] que du plasma de convalescent avec des hauts niveaux d'anticorps pourrait améliorer le sort des patients ». Les auteurs de l’étude précisent pourtant que leurs résultats ont été les mêmes quel que soit le titre d’anticorps anti-Sars-CoV-2 détectables administrés aux patients du bras d’intervention.

Un rapport bénéfice/risque défavorable ?

Seuls effets bénéfiques qui semblent provoqués par l’administration de plasma à des patients covid + : une réduction de la dyspnée et de la fatigue des participants observée au 7e jour.

L’auteur d’un éditorial du BMJ appelle toutefois à la prudence devant ces dernières conclusions. Bien qu’il semble « rigoureux », « cet essai n'a pas été mené en double aveugle, de sorte que la connaissance de l'état du traitement aurait pu influencer la déclaration de ces symptômes subjectifs par les patients qui ont survécu jusqu'au 7e jour », prévient le Dr Elizabeth Pathak.

Un autre élément devrait par ailleurs susciter la prudence devant ce genre de thérapie : les effets indésirables provoqués par l’administration de plasma à des patients atteints de covid-19. « De la fièvre et une tachycardie ont été rapportées chez trois patients [du groupe interventionnel] », indiquent les auteurs de l’étude. « La mortalité a été évaluée comme possiblement liée à une transfusion de plasma convalescent chez trois participants (1 %) », alertent-ils. 


Source : lequotidiendumedecin.fr