Le déclin des chauves-souris n’a pas que des conséquences sur la biodiversité, il est également associé à la hausse de la mortalité infantile. C’est dans une étude publiée dans la revue Science que le chercheur de l’Université de Chicago Eyal Frank détaille cet effet papillon. Le scientifique explique ainsi que la disparition des chauves-souris en Amérique du Nord permet aux insectes prédatés par ce mammifère de proliférer. Pour y faire face, les agricultures ont augmenté leur utilisation de pesticides, un comportement qui à son tour a entraîné le décès de plus d’un millier d’enfants. Cette étude montre « comment les interactions entre les espèces peuvent s'étendre au-delà d'un écosystème et affecter l'agriculture et la santé humaine », commente Eyal Frank.
1 334 décès infantiles en excès
Causé par la prolifération d’un champignon (Pseudo-gymnoascus destructans), le syndrome du nez blanc est un fléau pour les espèces de chauves-souris vivant en Amérique du Nord depuis 2006. Le déclin de la population de ces mammifères insectivores a rapidement entraîné mécaniquement, dans les comtés où elles vivaient, l’augmentation du nombre d’insectes agricoles nuisibles. L’auteur a ainsi comparé l'effet de la disparition des chauves-souris sur l'utilisation des pesticides dans les comtés où la population de ces mammifères volants a diminué et dans les comtés qui n'ont pas (ou peu) été touchés par l’épidémie.
Il ressort que dans les zones marquées par le déclin des chauves-souris, l’utilisation d’insecticides avait augmenté de 31,1 %. Il retrouve également un effet négatif sur la santé puisqu’est observée dans ces comtés une augmentation de 7,9 % de la mortalité infantile humaine, soit 1 334 décès en excès. « Les pesticides ayant été associés à des effets négatifs sur la santé, l’augmentation de la mortalité infantile est un marqueur courant pour étudier les effets de la pollution environnementale sur la santé », explique-t-il. Selon l’auteur, spécialisé en économie environnementale, pour chaque augmentation de 1 % des pesticides correspond à une augmentation de 0,25 % de la mortalité infantile.
39,6 milliards de dollars de perte en 11 ans
Eyal Frank explique que « ces résultats apportent une validation empirique aux prédictions théoriques antérieures sur la façon dont les perturbations des écosystèmes peuvent avoir des coûts sociaux significatifs ». En effet, les chauves-souris sont considérées comme un pesticide naturel, largement utilisé par les agriculteurs comme alternative plus efficace que les produits chimiques pour protéger leurs cultures des insectes.
Ainsi, le déclin des chauves-souris a aussi eu pour effet d’abaisser les revenus des agriculteurs de près de 29 %. En prenant en compte le coût monétaire des pesticides, Frank estime une perte de 26,9 milliards de dollars entre 2006 et 2017 pour les agriculteurs des comtés touchés par la disparition des chauves-souris, à laquelle s’ajoute celle de 12,4 milliards de dollars de la mortalité infantile. Au total, ce sont 39,6 milliards de dollars que coûterait le champignon responsable du syndrome du nez blanc, un coût que l’auteur pense supérieur à celui des mesures pour la conservation des populations de chauves-souris.
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