Tabac, alcool, dépression, obésité, trouble du sommeil, hypertension, diabète… De nombreux facteurs de risques cardiovasculaires sont connus mais ils ont tendance à être évalués séparément sans s’attacher aux probables interactions qu’ils entretiennent entre eux. Or, ne pas prendre en compte ces associations peut s’avérer contre productifs en particulier en ce qui concerne les stratégies de prévention. Une nouvelle étude publiée dans Plos One donne une idée des relations entre les différents facteurs. Via la cohorte GAZEL qui incluait près de 11 000 patients âgés entre 39 et 54 ans, les scientifiques ont pu mettre en évidence dans quelle mesure la survenue de chaque facteur de risque était influencée par la présence d’autres de ces facteurs.
Analyser les interactions pour améliorer la prévention
En France, 300 000 à 400 000 accidents cardiovasculaires surviennent chaque année (AVC et infarctus du myocarde) avec 1/3 de cas mortels et 2/3 de survivants souffrant par la suite de divers handicaps plus ou moins lourds. De nombreux facteurs favorisants ces problèmes sont aujourd’hui connus. Malheureusement, les stratégies de prévention ne fonctionnent pas. « Les raisons sont multiples. Mais certains obstacles sont dus au fait que les interactions entre les facteurs ne sont pas évaluées », souligne Pierre Meneton, biologiste et chercheur à l’Inserm qui a dirigé l’étude. Dans la pratique, les facteurs de risques sont le plus souvent observés séparément. Ils ne sont analysés conjointement que lorsqu’il s’agit d’estimer le risque cardio-vasculaire global comme c’est le cas dans l’équation de Framingham. En effet, « si un patient combine deux facteurs de risques, son risque global est beaucoup plus faible qu’une personne qui en combine 5 ou 6 », précise l’auteur.
Ces travaux permettent ainsi « d’aller plus loin ». Ils avaient pour but d’analyser dans quelle mesure la survenue de chacun de ces facteurs était prédite par les autres afin de connaître toutes interactions qui existent entre eux. Ainsi, les chercheurs se sont penchés sur 12 facteurs connus : 3 facteurs non modifiables (âge, sexe, antécédents familiaux), 3 facteurs liés au mode de vie (alcool, tabac, activité physique) et 6 facteurs cliniques (obésité, troubles du sommeil, dépression, hypertension, dyslipidémie et diabète). Les résultats sont impressionnants. Pas moins de 47 associations ont été relevées par l’équipe ! Par exemple, « pour le diabète, on a bien retrouvé le lien connu avec l’obésité mais aussi avec 6 autres facteurs notamment l’hypertension, le tabac, la dépression, l’activité physique, la dyslipidémie, et les antécédents familiaux », confirme Pierre Meneton. Par ailleurs, les 2 facteurs de risques souvent sous-estimés que sont la dépression et les troubles du sommeil sont en interaction avec les autres facteurs. Ils prédisent notamment tous deux l’hypertension.
Pour compléter leur schéma, l’équipe tente à présent d’introduire de nouveaux facteurs comme le chômage, les conditions de travail ou l’alimentation. Ils ont d’ores et déjà pu constater que « le chômage était un risque majeur même plus important que des conditions de travail dégradées », informe l’auteur.
Comment rendre ce concept praticable en médecine ?
Même si cette première étude offre un cadre conceptuel, à terme l’intérêt reste d’améliorer les stratégies de prévention. Par exemple, dans le cas d’un obèse, dépressif et fumeur quel facteur regarder en priorité ? Dans quelle mesure un facteur va empêcher de réduire les autres ? « Le médecin ne connaît pas la relation entre ces 3 facteurs et doit prendre en considération l’âge et le sexe de l’individu », explique le chercheur de l’Inserm. Connaître chaque facteur de risque et ceux qu’il prédit pour éviter leur survenue reste un objectif majeur, mais le problème demeure la praticabilité des résultats des recherches. Les auteurs le savent bien: « c’est difficile de rendre ce concept applicable. Il y a beaucoup d’obstacles », admet Pierre Meneton. Et pour cause, les graphiques montrant les 47 associations sont trop compliqués pour une pratique médicale quotidienne. Le spécialiste suggère « qu’un tableau relativement simple et pratique qui permettrait de dégager des stratégies de prévention agissant sur les principaux facteurs s’avérerait efficace ».
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