C’est une première en France, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a pu produire des images du cerveau d’enfants avec son IRM 7 teslas (7T). Alors que le CEA mène depuis plusieurs années déjà des recherches chez l’adulte avec l’IRM 7T, l’adaptation pour l’enfant a nécessité un travail de développement et de validation réglementaire de plusieurs années. À l’heure actuelle, seules trois autres équipes dans le monde y sont parvenues.
« Ce ne sont pas juste des images, mais une réalisation complexe », s’enthousiasme le Dr David Germanaud, neuropédiatre à l’institut hospitalo-universitaire du cerveau de l’enfant (ICE) et chercheur CEA à Neurospin, lors d’une conférence de presse. Grâce à cet « effort d’innovation », le centre de recherche souhaite mieux comprendre le neurodéveloppement chez l’enfant. « Nous allons tout d’abord nous intéresser à l’épilepsie et au syndrome d’alcoolisation fœtale, mais les troubles du neurodéveloppement (TND) seront évidemment l’une de nos priorités », détaille-t-il. Avec les niveaux de contraste, de résolution et de rapidité augmentés de l’IRM, « une nouvelle ère s’ouvre dans l’exploration du cerveau en développement ».
Depuis plusieurs années, le CEA consacre une partie de ses recherches aux technologies au service de la santé, avec une appétence particulière pour l’imagerie. Son site Neurospin, localisé au CEA Paris-Saclay, est ainsi dédié à l’imagerie cérébrale et accueille sur son plateau technique une IRM 7T et 11,7T pour la recherche clinique, ainsi qu’une IRM 17T pour la recherche chez l’animal. En France, quatre centres possèdent une IRM 7T : le CEA, l’Institut du cerveau, le CHU de Poitiers et le Centre de résonance magnétique biologique et médicale de Marseille.
« Nous collaborons étroitement avec l’Inserm et le CNRS pour la promotion d’essais cliniques, mais aussi avec les hôpitaux et les autres centres de recherche. Nous souhaitons nous investir sur des sujets répondant à des attentes sociétales et des enjeux scientifiques prioritaires. À ce titre, nous sommes co-fondateurs de l’ICE », précise le Pr Vincent Lebon, directeur adjoint de la recherche fondamentale au CEA. « Il existe des lacunes dans les financements de la recherche sur l’enfant. Il faut donc s’y investir », complète le Dr Germanaud.
Une durée d’acquisition réduite de 30 %
Pour les équipes du CEA, il a fallu plusieurs années pour adapter l’IRM 7T aux enfants : concevoir une antenne IRM adaptée, exploiter la transmission parallèle pour limiter les zones d’ombre, modéliser l’absorption des ondes radiofréquences pour une diversité de têtes d’enfant de moins de 12 ans et moins de 30 kg, réduire la durée d’acquisition à moins de 5-6 minutes (soit 30 % de moins que chez l’adulte) et entreprendre les démarches nécessaires concernant la sécurité auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. « C’était un défi technique, mais c’est désormais une réalité. Ce travail relativement long nous a, entre autres, permis de démontrer que nos protocoles et dispositifs d’IRM 7T présentaient l’ensemble des garanties de sécurité, similaires aux champs magnétiques plus classiques utilisés en routine à l’hôpital, en particulier en matière de débit d’absorption spécifique (DAS), souligne Vincent Gras, ingénieur-chercheur à Neurospin en charge de l’appareil IRM à 7T. Il était nécessaire de tout redémontrer pour adapter cette IRM à l’enfant. »
Un projet de 3 ans qui inclura près de 100 enfants
L’IRM 7T offre un accès à de nouvelles informations sur le cerveau en développement. Les chercheurs souhaitent ainsi mieux comprendre la mise en place de l’architecture cérébrale, des capacités cognitives et des apprentissages, mais aussi mettre en évidence de nouveaux marqueurs pathologiques.
L’équipe se focalisera tout d’abord sur les épilepsies et les syndromes d’alcoolisation fœtale. « Des applications sont d’ores et déjà envisagées, par exemple l’amélioration de la détection des petites malformations du cortex responsables d’épilepsie chez l’enfant, détaille la Dr Jessica Dubois, chercheuse Inserm à Neurospin et à l’Institut Robert-Debré du cerveau de l’enfant. Grâce au 7T, nous allons mieux comprendre comment les fonctions cérébrales se construisent, sont perturbées et se réorganisent chez l’enfant. Dans les troubles du neurodéveloppement, cette richesse d’information ouvre la voie à une approche plus individualisée, en tenant compte de la singularité de chaque trajectoire cérébrale », indique la chercheuse qui s’intéresse particulièrement aux enfants prématurés.
Ces premières images dévoilées par le CEA ont été acquises chez cinq enfants âgés de 6 ans et une jeune fille de 12 ans, atteinte d’un syndrome d’alcoolisation fœtale. Prévu pour une durée de 3 ans, le projet de recherche souhaite inclure à terme une centaine de patients répartis en deux groupes (épilepsie, alcoolisation fœtale) et un groupe contrôle.




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