À peine effectif, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus est déjà sur la sellette ! Récemment, plusieurs médecins, biologistes et patients réunis au sein du collectif “HPV maintenant” ont en effet dénoncé le maintien comme examen de première intention du frottis, « qui a démontré ses limites », et réclamé le passage rapide au test HPV, préconisé par la Commission européenne depuis 2015.
Alors qu’actuellement, 25 à 30 % des femmes chez qui l’on découvre un cancer avaient eu un dépistage par frottis négatif, la plus grande sensibilité du test HPV a été démontrée dans de nombreuses études, souligne le collectif. Une méta-analyse récente indique une sensibilité de 70 % et une spécificité de 95 % pour le frottis, contre respectivement 94 % et 90 % pour le test HPV. Soit pour 1 000 patientes, 5 lésions cervicales de haut grade (CIN2-3) de manquées avec le frottis, par rapport au test HPV. Tout récemment, l’étude Focal, menée auprès de 19 000 femmes ayant eu un dépistage initial négatif, a montré une incidence de lésions CIN3 à 4 ans atteignant 2,3/1 000 en cas d’utilisation du test HPV, et 5,5/1 000 en cas de dépistage par frottis (Ogilvie GS, JAMA 2018).
En contrepartie, le test HPV entraîne deux fois plus de faux positifs que les frottis (98 contre 49 pour 1 000). D’où un risque de surtraitement, qui doit être limité en vérifiant les tests HPV positifs (10 à 12 % des cas) par un examen plus spécifique, comme le frottis ou le double marquage immuno-histochimique p16 / Ki67, plus cher mais plus performant. C’est aussi source d’anxiété pour les femmes concernées, qui impose de bien expliquer avant le prélèvement qu’il ne s’agit que d’un premier tri et qu’un test HPV positif n’est le reflet de lésions cancéreuses ou pré-cancéreuses que dans une minorité de cas. Le test HPV ne peut être utilisé qu’après 30 ou 35 ans, l’infection étant très fréquente chez les femmes plus jeunes et très souvent transitoire.
Un scandale annoncé ?
Actuellement en France, le test HPV est réservé aux femmes ayant un frottis anormal. Utilisé en dépistage primaire à la place des frottis, il permettrait d’allonger à 5 ans l’intervalle entre deux dépistages (contre 3 aujourd'hui). « Les Pays-Bas ont même adopté un intervalle de dix ans », précise le Dr Joseph Monsonego, gynécologue et président de l’association 1 000 femmes 1 000 vies. « Dans beaucoup de pays, les deux tests sont associés, rapporte le Dr Richard Fabre, président des biologistes médicaux d’Occitanie et porte-parole du collectif. Mais il faut les utiliser selon la bonne séquence. La logique voudrait que l’on utilise le test HPV en premier et l’examen cytologique seulement en cas de positivité. » Tous les pays ayant un dépistage organisé ont adopté cette stratégie (Australie, Italie, Belgique, Angleterre, Suède, Pays-Bas, Turquie et, dernièrement, Irlande) ou font un co-testing par HPV et frottis (États-Unis, Allemagne). « La France est la dernière à entrer dans le dépistage organisé, et elle le fait avec une stratégie abandonnée par tous. »
Les autorités entendront-elles le message ? Saisie sur le sujet, la HAS devrait rendre un avis prochainement. D’ores et déjà, l’Inca reconnaît les avantages du test HPV, puisque dans une analyse médico-économique publiée en 2016, il concluait qu’un dépistage basé sur ce test, réalisé tous les 5 ans entre 35 et 65 ans, serait plus efficace et moins coûteux qu’une stratégie reposant sur un frottis tous les 3 ans. L’institut a néanmoins préconisé la mise en place du programme de dépistage organisé par frottis, tout en envisageant le passage au test HPV « dès que les conditions seraient réunies ». Mais les autorités avancent un délai de 5 ans pour organiser la bascule, là où le collectif estime qu’un an serait suffisant. « Nous ne pouvons pas accepter la situation d’aujourd’hui, alors qu’un simple calcul épidémiologique démontre que l’adoption du test HPV permettrait de diviser par deux les cancers et pré-cancers par rapport au frottis », dénonce le Dr Fabre, qui évoque « un scandale annoncé ». Il fait référence ainsi à l’affaire Vicky Phelan, qui a décidé l’Irlande à passer au test HPV en 2019. Atteinte d’un cancer au stade terminal, cette jeune femme avait eu, en 2011, un frottis reconnu ultérieurement comme faux négatif. Elle a attaqué le programme de dépistage et reçu une indemnité de 2,5 millions d’euros.
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