Très peu connue il y a à peine 10 ans, la NASH (ou stéato-hépatite non alcoolique) bénéficiera-t-elle bientôt de traitements médicamenteux ? L’industrie pharmaceutique s’y emploie activement avec désormais une cinquantaine de molécules testées dans près de 200 essais. Mais comme l’ont souligné certains experts français à l’occasion de la conférence Paris NASH Meeting (5 au 6 juillet 2018), la bataille est loin d’être gagnée. Et cette effervescence ne doit pas faire oublier les incertitudes qui persistent quant à la fréquence et la gravité de cette maladie en termes de santé publique en France.
Comme l’a rappelé le Pr Lawrence Serfaty (hôpital Hautepierre, Strasbourg), organisateur du congrès, la NASH « est une maladie émergente qui évolue en parallèle à l'épidémie d'obésité et de diabète dans le monde ». Elle associe à l'accumulation de triglycérides dans le foie, une inflammation et des lésions hépatocytaires chez des patients consommant peu ou pas de boissons alcoolisées. À la différence de la stéatose hépatique simple dont l’évolution est bénigne, la NASH est associée à un risque d’évolution vers la fibrose, la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. Estimée à près de 10 % aux États-Unis, sa prévalence serait plutôt de 5 % en Europe mais ces chiffres issus de modélisation restent très incertains.
4 molécules en phases 3
Métabolisme, inflammation, stress oxydant, apoptose, fibrose, etc. : les molécules en développement ciblent les différents mécanismes pathogènes impliqués dans la NASH. Parmi les plus avancées, quatre sont évaluées dans le cadre d'essais de phase 3 : l'acide obéticholique, l'élafibranor, le selonsertib et le cenicriviroc.
L’acide obéticholique est un acide biliaire synthétique déjà commercialisé pour le traitement de la cholangite biliaire primitive. Il s’agit d’un agoniste du récepteur Farnesoid X (FXR) lequel intervient dans l’homéostasie des acides biliaires mais aussi dans la régulation du métabolisme glucido-lipidique. L'élafibranor est un double agoniste des récepteurs (PPAR) alpha et delta, qui jouent un rôle dans le métabolisme des lipoprotéines et des lipides ainsi que dans la régulation de la réponse inflammatoire. Le selonsertib est un inhibiteur de l’enzyme ASK1 impliquée dans la mort cellulaire induite par le stress oxydatif. Enfin, le cenicriviroc est un double antagoniste des récepteurs de chémokine de type 2 et 5 (CCR2 et CCR5). Expérimenté initialement pour le traitement du VIH, il possède également un effet anti-inflammatoire et anti-fibrotique hépatique.
Ces 4 molécules ont déjà été testées dans des essais de phase 2, avec des « résultats encourageants » selon le Pr Stanislas Pol (Hôpital Cochin, Paris), suggérant une régression des lésions de NASH et une amélioration du grade de fibrose sous traitement.
Cependant, « on peut encore avoir des surprises, notamment en termes de sécurité » tempère le Pr Serfaty citant « les quelques accidents survenus aux US chez des patients cirrhotiques ayant décompensé leur cirrhose sous acide obéticholique, probablement suite à des surdosages ».
Par ailleurs, côté efficacité, les « résultats observés en phase précoce devront être confirmés dans les essais de phase 3 en cours ». Et si une « simple » amélioration des lésions histologiques documentée par biopsie pourra suffire à la délivrance d’une AMM temporaire, les autorités européennes comme américaines ont recommandé que ces essais de phase 3 soient prolongés sur cinq années afin de vérifier que l'amélioration histologique sous traitement est bien associée à une amélioration de la morbi-mortalité. Les premiers résultats intermédiaires sont attendus pour fin 2019.
Les mesures hygénodiétéiques, très efficaces mais …
En attendant, la prescription de Vitamine E peut être envisagée, « cet antioxydant ayant montré une certaine efficacité sur les lésions hépatiques dans les essais ». Mais pour le moment, la prise en charge des patients atteints de NASH repose essentiellement sur le contrôle du diabète et de l'hyperlipémie et sur les règles hygiénodiététiques.
Qu’elle soit obtenue par régime ou chirurgie bariatrique, la perte de poids semble particulièrement efficace avec des disparitions complètes de la NASH et des régressions de la fibrose, voire de la cirrhose. Dans une série coordonnée par le Pr Philippe Mathurin (CHRU de Lille), chez des sujets atteints d’obésité sévère et de NASH, la chirurgie bariatrique a permis « la disparition de la maladie chez 75 % d’entre eux et une régression de la fibrose chez plus de 60 % des malades ». Des résultats similaires ont pu être atteints avec des pertes de poids d’environ 10 % obtenues par régime.
« On a vraiment la chance en hépatologie de travailler avec un organe qui a une capacité de réparation de régénération et de remodelage de la cicatrice ce qui n’est pas le cas du rein et du poumon par exemple, souligne le Pr Pol. Si on contrôle la maladie causale on a donc la possibilité d’obtenir une amélioration progressive du foie avec parfois même une normalisation complète et ceux même pour des maladies relativement avancées. »
Le dépistage en question
Faut-il pour autant prôner un repérage large de la NASH ? « Les conditions ne sont pas réunies actuellement pour proposer un dépistage en population générale, estime le Pr Philippe Mathurin, sachant qu’on n’aura pas de proposition thérapeutique et qu’il a été montré que le fait de se savoir malade n’augmente pas l’adhésion aux règles hygiénodiététiques ».
Alors que l’an dernier au même congrès, certains spécialistes avaient plaidé pour une démarche proactive en médecine générale, via un test dédié, la tendance semble plutôt à la retenue cette année.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation