Khalaf ibn Abas Al-Zahrawi – Abulcasis, Albucassis ou Alsaharavius pour les Occidentaux- fut l’un des grands maîtres de la chirurgie hispano-arabe, père de la chirurgie moderne. C’est à El Zahra (« la fleur » en arabe, petite bourgade située à quelques kilomètres de Cordoue que nait Albucassis.
[[asset:image:2056 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Cordoue, « l’ornement du monde » est alors la capitale de l’Espagne musulmane, considérée à l’égal de Bagdad et de Constantinople. Elle conservera ce statut jusqu’à sa prise en 1226 par les troupes de Ferdinand III, année à partir de laquelle Salamanque prendra le dessus sur sa rivale andalouse. C’est donc à Cordoue, ville qui compte alors près d’un million d’habitants, riche de 80 écoles, 50 hospices et d’une bibliothèque presque comparable à celle d’Alexandrie, comptant plus de 600 000 ouvrages, qu’Abulcasis va étudier la médecine et se parfaire dans d’autres sciences.
« Al-Tasrif », une monumentale encyclopédie en 30 volumes
Passé maître dans l’exercice de la chirurgie, de la traumatologie, de l’orthopédie et l’ophtalmologie et de l’obstétrique notamment, Abulcasis va devenir médecin à la cour du calife Al-Hakam II, tâche qui lui laisse le temps d’écrire le Al-Tasrif (« La pratique »), monumentale encyclopédie divisée en trente volumes où il compile toutes les connaissances médicales de l’époque en y ajoutant le fruit de sa propre expérience.
Le dernier volume, le plus fameux, entièrement consacré à la chirurgie, va devenir une référence absolue tout au long du Moyen-Age du nord au sud de l’Europe. Traduit en latin par Gérard de Crémone, l’ouvrage sera réédité une dizaine de fois jusqu’en 1544 et connut aussi des versions en hébreu, en français, en anglais et même en provençal. Les grands chirurgiens médiévaux en ont fait leur livre de chevet et Guy de Chauliac, par exemple, va le citer plus de 200 fois dans son ouvrage « La grande chirurgie » . Et tout praticien formé à l’université de Montpellier ou à celle de Salerne se doit nécessairement de connaître les travaux d’Abulcasis.
« Al-Tasrif » est divisé en trois parties.
La première partie est consacrée à la théorie et aux généralités de la médecine.
La deuxième partie s'intéresse à la pratique: régime chez l'enfant et chez les vieillards, rhumatismes, abcès, plaies, poisons et venins, affections externes de la peau, fièvre...
[[asset:image:2061 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Dans la dernière partie, qui va faire sa renommée, Abulcasis recense toutes les connaissances chirurgicales de l'époque en agrémentant son texte, grande nouveauté pour l’époque, de planches explicatives. Il décrit également la cautérisation, l'incision, l'amputation, les fractures, les luxations, les petites interventions, la saignée, l'opération des calculs de la vessie et la gangrène, l'hémiplégie d'origine traumatique et l'accouchement. Abulcasis décrit aussi 200 instruments de chirurgie qu’il a parfois conçu et réalisé : bistouris, ciseaux, sondes, stylets, cathéters, scies, attelles, otoscopes.
Un apport inestimable à la science chirurgicale
L’apport d’Abulcassis à la chirurgie aura été inestimable, auteur de maintes « premières ». Ainsi, il fut :
- le premier à inciser la trachée, opération qu’il inaugura sur un de ses serviteurs ;
- le premier aussi à extraire des calculs urinaires par voie vaginale ;
- le premier à réaliser des ligatures artérielles pour endiguer une hémorragie ;
- le premier à réduire des luxations de l’épaule, près de mille ans avant que Theodor Kocher mette au point sa méthode de réduction des fractures d’épaule ;
- le premier à réaliser des patellectomies, bien avant Ralph Brooke ;
- le premier à opérer des anomalies du pénis et du scrotum ;
- le premier à opérer des goîtres ;
- le premier à utiliser, notamment dans les opérations du petit bassin, la classique position Trendelenbourg, attribuée plus tard à ce chirurgien allemand ;
- le premier à pratiquer l’excision des varices.
En pratiquant ses interventions chirurgicales, Abulcassis fut le premier à des utiliser des boyaux de chat, à faire des sutures avec un fil et deux aiguilles et des sutures sous-dermiques ne laissant pas de cicatrices.
Dans le domaine proprement médical, Abulcassis fut aussi à l’avant-garde, premier à noter la prédisposition familiale à l’hémophilie et à s’être intéressé aux ostéo-arthrites tuberculeuses, notamment vertébrales, 700 ans avant Pott.
En obstétrique, il conseillait plusieurs manœuvres d'accouchement dans les différentes présentations dystociques : épaule, face. Il conçoit ainsi une méthode d’accouchement qui sera faussement attribuée bien plus tard à Wolcher. Il fut aussi le premier à décrire la grossesse extra-utérine et, avec des instruments de son invention, à extraire des fœtus morts in utero.
Abulcassis aura aussi été pionnier en matière d’anesthésie générale, utilisant diverses préparations à base d’opium, de haschich, de mandragore et de jusquiame.
Abulcasis, enfin, aura insisté toute sa vie sur l'importance de la dissection pour l'étude de l'anatomie et de la chirurgie : « C'est la raison pour laquelle il n’existe pas de médecin habile, de nos jours : l'art de la médecine est long à apprendre et il est nécessaire que ses praticiens, avant de l'exercer, soient formés à la science de l'anatomie / dissection (Urneal-tashrih), comme Galien l’a décrit, de façon à pouvoir pleinement se familiariser avec les fonctions, les formes et la constitution des organes; ainsi que la façon dont ils sont liés et de quelle manière ils sont indépendants ; qu'il devrait également connaître parfaitement les os, les nerfs et les muscles, leur nombre et leur origine, ainsi que les vaisseaux sanguins, les artères et les veines, avec l’emplacement de leurs trajet ... Car celui qui ne connaît pas bien l’anatomie, comme nous l'avons mentionné, est susceptible de commettre des erreurs risquant de mettre la vie en péril. »
Abulcassis est mort en 1013 après avoir continuer à enseigner sa science jusqu’au bout à des étudiants venus de toute l’Europe qu’il appelait « mes enfants ».
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