C’est un rétropédalage en matière de lutte contre les pénuries de médicaments : les stocks imposés aux industriels devront désormais couvrir 2 mois de besoins au lieu des 4 initialement prévus dans la loi de financement de la Sécurité sociale votée en décembre 2019.
Le gouvernement aurait en effet rendu un arbitrage plus favorable aux industriels dans un projet de décret d’application, selon l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. Cette organisation dénonce dans un communiqué une « collusion » préjudiciable au dispositif destiné à garantir l'accès aux médicaments finalement « vidé de sa substance ».
De nombreuses voix se sont élevées, à l'instar de France Assos Santé, pour rappeler que la constitution de stocks de sécurité vise à « se donner le temps d’envisager des mesures correctrices (définitions d’alternatives, importation) ».
Défendant également l'intérêt du patient, la Ligue contre le cancer vient de lancer une plateforme de recueil de témoignages, penuries.ligue-cancer.net, ainsi qu'une campagne d’affichage intitulée « Cher patient, pour votre médicament, merci de patienter ». L'instance rappelle les résultats inquiétants d’une étude conduite à l’automne 2019 avec l’institut IPSOS, selon laquelle 16 % des patients cancéreux ont déclaré avec certitude, avoir été confrontées à une indisponibilité de médicaments.
Des pénuries qui touchent particulièrement les patients cancéreux
D'après cette étude, « 74 % des professionnels de santé interrogés déclarent avoir déjà été confrontés à des pénuries de médicaments contre le cancer pendant leur carrière ». Ces ruptures d’approvisionnement concernent toutes les classes thérapeutiques, relève l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament.
Et dans cette population particulière, l’indisponibilité des spécialités pharmaceutiques apparaît particulièrement délétère. D’abord, la quasi-totalité des patients confrontés à des pénuries associeraient ces ruptures à des « sentiments négatifs » tels que « l’incompréhension », « l’inquiétude » ou « la colère ». Si les tensions d’approvisionnement semblent donc « extrêmement pénibles à supporter » - et ce d'autant plus que les patients s'avèrent très peu informés -, elles s’accompagneraient également, pour 75 % des professionnels interrogés, de véritables pertes de chances. « De plus, 45 % des professionnels interrogés dans l’enquête font le constat d’une détérioration de la survie à 5 ans de leurs patients qui sont victimes de pénuries de médicaments contre le cancer », rapporte la Ligue.
Des pénuries toujours plus nombreuses
Si cette situation alarmante a pu être aggravée par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 – qui a en particulier occasionné des tensions sur des médicaments utilisés en réanimation – les pénuries de médicaments tendent à se multiplier depuis longtemps. « Avec 1 499 médicaments signalés en difficulté ou rupture d’approvisionnement auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’année 2019 atteint un record avec 34 fois plus de pénuries signalées qu’en 2008 », rappelle la Ligue contre le cancer.
Ainsi, d’après l’étude, trois quarts des professionnels confrontés à des tensions d’approvisionnement de médicaments utilisés dans le traitement des cancers et près de 60 % des oncologues témoigneraient d’une « augmentation des pénuries » depuis 10 ans.
Un appel à durcir la réglementation
Le problème de la multiplication des pénuries de médicaments ne se résoudra donc pas spontanément à la fin de la crise sanitaire. La Ligue contre le cancer invite donc les pouvoirs publics à prendre des mesures plus strictes pour prévenir les tensions : sanction financière des entreprises, recensement par les autorités des personnes « qui n’ont pas eu accès au médicament prescrit en premier lieu », mise en place d’un « système d’information sur les pénuries de médicaments », conduite d’études permettant de mieux évaluer les pertes de chances causées par les ruptures, etc.
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