Le coq français va-t-il retrouver la santé ? « Côté recherche, je ne peux pas faire un immense cocorico. [...] Quand je regarde la compétition mondiale, on ne peut pas dire que la nation de Pasteur a été celle qui a découvert, que ce soit les structures publiques ou privées, le vaccin en premier », a reconnu Emmanuel Macron lors de la présentation de la stratégie innovation santé 2030 à l'Élysée, le 29 juin dernier. Ce constat a été largement partagé par les Français. Si ce raté vaccinal a permis d'opérer une prise de conscience sur le déclassement hexagonal en matière de recherche, il s'inscrit dans une longue série de reculs face aux autres pays européens en matière de souveraineté. « Le premier défi, ce sont les biothérapies. Avec un constat là aussi, il faut faire très lucide, donc il est très dur. La France dépend à 95 % des importations pour les biothérapies », a rappelé le président de la République. Autre aveu enfin, tant l'hôpital « on a géré la pauvreté », que le médicament ont été les variables d'ajustement du taux d'Ondam dénoncé depuis des années par la FHF ou le Leem.
Traitement de choc pour la santé
En réponse à ces diagnostics lucides, faut-il alors parler de traitement de choc pour la santé ? L'ambition forte est affichée d'entrée de jeu : « Faire de la France, la première nation européenne innovante et souveraine en santé. » On peut donc annoncer le progrès par décret ! En attendant la réalisation de cette promesse, l'État met sur la table plus de 7 milliards d'euros. La recherche biomédicale, nerf de la guerre, bénéficiera d'un budget additionnel d’un milliard d'euros. Cet investissement doit permettre de surmonter le clivage entre recherche et soins, recherche hospitalière et en ville. L'autre enjeu est bien d'assumer une politique d'excellence. L'attribution du Prix Nobel de chimie en 2020 à la Française Emmanuelle Charpentier, codécouvreuse du ciseau génétique Crispr, « exilée » en Allemagne, a servi d'électrochoc. Afin de retenir sur le territoire de jeunes chercheurs, voire de les faire revenir, une enveloppe de 80 millions d'euros distinguera entre 15 à 20 brillants cerveaux. Ils disposeront chacun d'entre eux d'un budget de 3 à 5 millions. « On a aussi besoin de rappeler quelques superstars ou de fidéliser sur le sol français des superstars et donc d'assumer un tel programme d'excellence », reconnaît Emmanuel Macron. La recherche (trop ?) discrète doit s'afficher et s'inscrire dans un dispositif de starification. À l'image des joueurs de football ? En tout cas, la réussite est cette fois obligatoire avec un objectif clair. Dans cinq ans, la France produira au moins 5 nouveaux biomédicaments. Les effectifs dans la bioproduction auront doublé avec un passage de 10 000 à 20 000 emplois. 800 millions d'euros de fond publics seront injectés pour cette priorité déclarée.
Doubler les moyens des CPP
Pour mettre sur le marché ces nouveaux médicaments, les essais cliniques sont incontournables avec la lancinante question de l'attractivité de la France dans ce domaine. Afin d'accroître la part de l'Hexagone, la charge des comités de protection des personnes (CPP) sera allégée. Leurs moyens seront doublés. Les indemnisations des membres seront alignées au niveau des autres agences dans le champ de la santé.
Retard français
Encore faut-il ensuite qu'il soit possible de les prescrire aux patients. La France accuse là un certain retard comparé à l'Allemagne, érigé désormais en modèle. Selon le quotidien Les Échos, « Macron donne des gages aux laboratoires ». En tout cas, des mesures fortes, attendues depuis longtemps par l'industrie pharma ont été annoncées. Désormais, le mécanisme en cours de l'autre côté du Rhin, à savoir une mise sur le marché immédiat pour tous les médicaments disposant d'une ASMR I à IV après avis de la Commission de transparence, est adopté pour une période probatoire de deux ans.
Discussions animées
Les négociations longues avec le CEPS sur la fixation des prix ne retarderont plus la mise à disposition aux patients. Autre mesure phare, l'accès à la liste en sus à l'hôpital devrait être élargi aux médicaments disposant d'une ASMR IV. Cette stratégie innovation 2030 répond aussi aux ruptures d'approvisionnement des médicaments à l'hôpital. Les offres multi-attributaires seront désormais favorisées. Quant à la commande publique, elle devra être fléchée vers les PME innovantes à forte valeur ajoutée. Cerise sur le gâteau, le taux d'augmentation de l'Ondam produits de santé bénéficiera d'une hausse de 2,4 %. À la fin, tout le monde aurait-il gagné ? Pas si sûr. Actuellement, la croissance, sauf en période de pandémie, est plus forte pour le secteur des dispositifs médicaux comparée à celle des médicaments. Les discussions entre industriels pour respecter ce taux de 2,4 % seront animées.
Au final, comment éviter que ces belles promesses s'enlisent dans les sables de la bureaucratie ? Le gouvernement répond par la création d'une nouvelle structure, l'Agence de l'innovation en santé. La feuille de route est claire : « Garantir la mise en œuvre du plan innovation santé 2030 et rendre compte au Gouvernement de la bonne exécution des mesures, le cas échéant proposer des adaptations. » Du fait du génie français à créer des organisations ex nihilo, cette agence favorisera-t-elle un allégement du mille-feuille administratif ou en revanche en ajoutera-t-elle une nouvelle couche ? En attendant la réponse qui n'interviendra pas avant 2023, la crédibilité de ce nouveau plan sera évaluée sur pièces rapidement lors de la présentation cet automne de l'Ondam 2022. Sera-t-il celui de la rupture ?
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