« Nous sommes dans une logique de responsabilité, pas de business », a plaidé Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM (Les entreprises du médicament), lors de la présentation d'un plan d'action contre les pénuries.
Parfois accusés d'être les premiers responsables des ruptures de stocks, les laboratoires veulent montrer patte blanche. En 2017, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a recensé 538 signalements de rupture ou tensions d'approvisionnement de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) contre 404 en 2013 et seulement 44 en 2008 !
Causes multifactorielles
Les ruptures de stock touchent principalement 10 classes thérapeutiques (schéma). Une bonne moitié concerne les anti-infectieux, les médicaments du système nerveux et les anticancéreux. La durée médiane des ruptures à l'officine était de 52 jours entre 2015 et 2018. Mais l'hôpital est plus touché que la ville « du fait notamment de l'usage des formes injectables et du mécanisme d'appels d'offres hospitaliers ne retenant qu'un seul fournisseur », selon le LEEM.
L'an passé, l'organisation patronale a analysé 400 signalements. Les causes sont multifactorielles, soulignant la vulnérabilité de la chaîne. Ainsi 25 % des ruptures sont liées à la tension entre la demande mondiale et la capacité de production et 23 % s'expliquent par les fluctuations imprévues du marché. Mais 20 % des incidents sont liés à la chaîne de production, 15 % à la fabrication des principes actifs et 7 % aux contraintes économiques. « Il y a une forte demande en Chine. Tout ceci rend la prévisibilité des demandes plus difficiles et les outils de production peinent à s'adapter », explique Nathalie Le Meur, présidente du groupe de travail « Ruptures d'approvisionnement » du LEEM.
Liste restreinte et hausse des prix
Pour y remédier, le LEEM propose de définir une liste de « médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique » (MISS) pour lesquels les mesures de gestion de pénurie seraient renforcées (stocks mobilisables, suivi précoce, identification des fournisseurs, protocole de remplacement).
Aujourd'hui, la liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) que doit recenser chaque laboratoire est jugée beaucoup trop large (40 % de la pharmacopée). « L'intérêt est de renforcer les actions sur un nombre limité de produits », justifie Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du LEEM. Il s'agit des médicaments « les plus indispensables et irremplaçables » pour lesquels une rupture entraîne un risque vital. Ceux-ci représenteraient 5 à 10 % des médicaments de la pharmacopée parmi lesquels les antibiotiques et les anticancéreux.
Dans les établissements, le LEEM propose de rendre obligatoires les appels d'offres hospitaliers (multi-attributaires) pour ces médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique afin d'éviter de dépendre d'un fournisseur unique. Il convient aussi d'améliorer la précision des volumes commandés et des calendriers de livraisons.
Autre souhait : en ville cette fois, augmenter les tarifs des médicaments dont le prix est jugé trop bas. « Ceci provoque des phénomènes d'exportation parallèle, y compris sur les médicaments anciens, génériqués » précise Nathalie Le Meur. L'organisation demande de sécuriser les prix planchers des produits à bas coût concernés par la rupture d'approvisionnement.
Mieux informer les médecins
En cas de rupture, le partage d'informations entre les acteurs de la chaîne du médicament (pharmaciens notamment) et les patients est jugé prioritaire. La création d'une base numérique centralisée, sous l'égide de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), renseignant l'état des stocks et les plans d'approvisionnement, est recommandée. L'outil développé par l'Ordre des pharmaciens (DP-Ruptures), mérite d'être amélioré.
Dans la même veine, il serait souhaitable de renforcer les messages d'alerte auprès des médecins de façon à éviter une nouvelle prescription alors que le produit n'est pas disponible. Plusieurs outils sont certes proposés par l'ANSM, l'Ordre ou les industriels. « Mais l'information ne circule pas correctement, déplore le LEEM. L'annonce de la constitution d'une cellule Vigi-médicament par la ministre est une bonne nouvelle ».
Enfin, le syndicat réclame une « démarche européenne » pour le maintien et la relocalisation des sites de production en France ou en Europe (80 % des principes actifs sont fabriqués en dehors de l'Europe, surtout en Asie). Cela passe notamment par des mesures fiscales pour aider les sites fragiles. Le plan sera présenté dans les prochains jours au ministère de la Santé.
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