Décision & Stratégie Santé. Comment définir la politique d’innovation en France ?
Pr Jean-Yves Fagon*. L’innovation en 2018 ne se réduit plus à la thérapeutique. Cette vision où l’innovation repose exclusivement sur le médicament appartient au monde d’hier. Aujourd’hui, elle doit être associée à d’autres données. Elle se décline dans le diagnostic, le numérique, l’organisation...
Or, nous ne disposons pas de mode d’évaluation pertinente dans tous ces domaines. Cette évolution est encore plus saisissante avec les dispositifs médicaux : la technologie développée au profit d’un seul appareil n’est plus de mise. Elle est maintenant connectée, mise en réseau, et relève de compétences diverses. Pour revenir au médicament, ceux qui sont indispensables sont mis sur le marché. Il a été démontré qu’il était possible de gérer en France avec rapidité et efficacité les vraies innovations comme dans le traitement de l’hépatite C. Pour autant, le système doit s’adapter aux changements qui vont se produire même si on ne les connait pas tous… certains sont encore en attente. Comment se contenter de la règle du jeu actuelle autour des traitements en immunothérapie alors que les résultats sont différents d’une étude à l’autre ?
D.S.S. Au Royaume-Uni, les règles du jeu sont pourtant plus claires. Un médicament dont le coût annuel dépasse 50 00O livres n’est pas remboursé.
P J-Y.F. Résultat, certains patients anglais viennent se faire soigner en France. La situation n’est pas si simple, ils ont d’ailleurs mis en place pour la cancérologie un dispositif proche de la liste en sus. Cela ne signifie pas que la situation française soit exemplaire. Les inégalités d’accès à la santé se sont aggravées depuis une dizaine d’années. Le paramètre économique n’explique pas à lui seul cette dérive, il faudrait également évoquer les problèmes géographiques, culturels, religieux... Le modèle français, s’il a permis une prise en charge correcte il y a dix ans, n’est plus adapté à la totalité des nouvelles réalités. On doit donc faire évoluer notre système.
Quels en sont les fondamentaux ?
Pr J-Y.F. L’évaluation ne doit plus être limitée à la seule efficacité d’un médicament ou d’un dispositif médical. Mais s’ouvrir à une stratégie multidimensionnelle. Dans le même temps, comment procéder à une évaluation médico-économique d’un médicament lorsque l’on ignore par exemple la durée de traitement ou la taille de la population cible ? Les impacts de toutes les innovations doivent à terme être examinés. De plus en plus de pays tels que le Canada, ou le Japon intègrent ainsi l’impact des innovations organisationnelles. Dans l’Hexagone, la LFSS 2018 a réservé une enveloppe budgétaire pour déployer des expérimentations centrées sur toutes les modalités d’organisation. Pour autant aucun pays n’a mis au point une formule miracle pour évaluer et gérer toutes les innovations.
L’Allemagne est toutefois le pays mis en avant pour sa rapidité à mettre des produits innovants sur le marché.
Pr J-Y.F. Ce modèle est intéressant surtout pour les dispositifs médicaux. Un produit est testé dans une région, et si les résultats sont probants, après une éventuelle seconde région, il est évalué au plan national. Le prix sera maintenu, réduit, voire augmenté selon les données enregistrées en vie réelle. Au-delà de la seule efficacité, il est aussi possible de mesurer les différents impacts liés à l’innovation.
*Délégué ministériel à l’innovation en santé.
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