L’Institut Montaigne s’est saisi en 2019 de l’enjeu des médicaments innovants : « L’arrivée de traitements ciblés et très onéreux va remettre en question certains mécanismes et nous avons donc voulu poser les changements de paradigmes que nous avons identifiés », indiqueLaure Mollet, chargée d’études du Programme Santé au sein de l’Institut. Trois ont en particulier été mis en avant : l’essor des médicaments biologiques, s’adressant à des pathologies ciblées et à des groupes de patients restreints, dont la proposition de valeur est désormais l’éradication de maladies ; l’enveloppe budgétaire contrainte pour les médicaments alors que les cycles et coûts de R&D des laboratoires augmentent ; la place croissante des patients dans le système de santé. Dans ce contexte, le développement de nouveaux modèles de financement de l’innovation est essentiel et l’Institut propose notamment deux pistes : un prix par indication et le paiement à la performance, en fonction de résultats recueillis après la mise sur le marché, grâce à l’utilisation d’outils numériques.
L’initiative PRM de Roche
Roche s’inscrit dans cette démarche de production de données en vie réelle pour mettre en œuvre une médecine personnalisée et aboutir, in fine, à l’instauration de modes de financement innovants. Concrètement, le groupe collecte depuis cinq ans les données de quelque 140 centres hospitaliers traitant des patients atteints de cancer du sein et du poumon dans le cadre de l’initiative « PRM » (Personalised Reimbursement Model). L’objectif est clair : être en mesure de porter auprès du Comité économique des produits de santé (CEPS) une négociation autour du prix davantage en lien avec le bénéfice réellement observé auprès du patient. « Ces données sont de très bonne qualité car elles sont extraites des systèmes de santé des établissements : nous ne recréons pas une nouvelle base de données. Elles sont, en outre, représentatives de ce qui se passe au niveau national », explique Jean-Marc Pinguet, directeur médecine personnalisée du laboratoire suisse. Résultat, un accord a été obtenu en 2019 auprès du CEPS sur Tecentriq®, en 2e ligne de traitement du cancer du poumon non à petites cellules métastatique, dont le prix évoluera en fonction des données obtenues en vie réelle. Ces dernières permettent d’avoir des discussions plus fines, la molécule affichant un bénéfice dans un périmètre donné. Jean-Marc Pinguet plaide pour le développement de ce type d’accords, même si ceux-ci restent compliqués à conclure avec les autorités.
Inadaptation du système
Éric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales au Leem, se dit, quant à lui, « inquiet de l’inadaptation de la France, structurellement, à accueillir l’innovation thérapeutique très dynamique qui arrive dans les années qui viennent ». Différents facteurs vont perturber le système actuel, en particulier les thérapies géniques qui, en s’attaquant d’ici quelques années aux tumeurs solides, vont concerner des populations prévalentes et incidentes significatives, entraînant la nécessité « d’élargir la focale temporelle de la régulation » via, par exemple, des lois de programmation santé pluri-annualisées allant au-delà de la vision à un an des lois de financement de la Sécurité sociale… Un autre paradigme doit aussi être remis en cause selon lui : la régulation du prix des médicaments matures pour financer les nouveaux produits, qui ne fonctionne plus du fait du dynamisme de l’innovation. Enfin, il plaide pour une hausse du budget consacré aux médicaments – qui n’a pas évolué depuis 2009 en France – pour le financement à la performance et pour un étalement de la charge via la création d’un fonds d’investissement pluriannuel qui viendrait financer les innovations de rupture.
Table ronde « Les nouveaux modèles de financement ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation