Voilà de quoi appuyer la récente décision des autorités sanitaires françaises d’ouvrir l'accès aux anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2 à certains patients hospitalisés pour forme sévère de Covid-19. Dans une revue de la littérature publiée hier dans le British Medical Journal, des experts de l’OMS viennent de confirmer l’intérêt de la bithérapie casirivimab-imdévimab, de Roche Régénéron, pour les malades graves séronégatifs au coronavirus.
Pour rappel, les anticorps synthétiques anti-SARS-CoV-2, développés pour cibler le virus et contrer son entrée dans les cellules humaines, étaient initialement réservés au traitement précoce de sujets à haut risque de forme sévère, afin d’éviter l’évolution vers un Covid-19 grave.
Du traitement précoce à la prise en charge tardive en passant par la prévention
Puis en août, leurs indications avaient été étendues à la prophylaxie pré- et post-exposition du Covid-19 chez les immunodéprimés insuffisamment répondeurs à la vaccination et particulièrement vulnérables à la maladie.
Finalement, à la fin de l’été, des signaux positifs avaient aussi émergé chez des patients ayant déjà développé une forme grave et présentant une réponse humorale inadaptée au virus. De fait, comme le résume l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), des données préliminaires de l’essai Recovery ont montré que chez les patients hospitalisés et n’ayant pas encore développé leur propre réponse immunitaire après une contamination par le SARS-CoV-2, l’association casirivimab/imdevimab (Ronapreve, laboratoire de Roche-Régénéron) « réduit la mortalité et le recours à une ventilation mécanique invasive par rapport à une prise en charge standard ».
Dans ce contexte de multiplication des utilisations de ces molécules, des experts de l’OMS ont repris toutes les données disponibles sur les anticorps monoclonaux disponibles dans le monde à l’heure actuelle (bamlanivimab seul ou en association avec l’etesevimab, de Lilly, et casirivimab-bamlanivimab de Roche Régénéron, notamment).
Seul l'association casirivimab-imdévimab est efficace chez les hospitalisés
Résultat : chez les patients particulièrement vulnérables au Covid-19 n’ayant pas encore évolué vers une forme sévère de Covid-19, les anticorps monoclonaux diminuent bien le risque d’hospitalisation. Et ce, quelle que soit la molécule considérée. À noter toutefois : l'étude de l'OMS ayant été conduite avant que le variant Delta ne devienne dominant, certains de ces anticorps monoclonaux – particulièrement sensibles aux mutations du SARS-CoV-2 – pourraient en fait être devenues inefficaces.
Mais surtout, la revue de la littérature confirme la capacité du casirivimab-imdevimab à réduire la mortalité chez les séronégatifs atteints de forme sévère ou critique. Ce serait cependant pour le moment le seul de sa classe pharmaceutique à présenter une efficacité contre des formes déjà évoluées de Covid-19. Aucun autre anticorps monoclonal « ne présentait d’impact important sur l’état clinque, quel qu’en soit le marqueur, des patients atteints de Covid-19 sévère ou critique », déplorent en effet les experts de l'OMS. Comme l’explique le Professeur d’immunologie Hervé Watier (Tours), des anticorps capables de neutraliser la faible charge virale associée au Covid-19 débutant pourraient être mis en échec par la charge virale plus importante associée aux stades avancés de la maladie sévère.
Le remdesivir re-testé en traitement précoce
Ainsi, si le casirivimab-imdevimab est passé du traitement précoce des formes encore non graves, à la prise en charge plus tardive du Covid-19 grave, d’autres médicaments - ou plutôt d'autres candidats-médicaments - tentent de faire le chemin inverse.
C’est notamment le cas du remdesivir. S’il n’a pas montré d’efficacité suffisamment importante chez les patients hospitalisés pour des formes sévères de Covid-19, des signaux positifs pourraient avoir été enregistrés dans le traitement précoce de la maladie.
Dans un communiqué diffusé il y a deux jours, le fabricant de l’antiviral, Gilead, se félicite en effet des résultats d’un essai de phase 3 randomisé, en double aveugle, contre placebo. D’après le laboratoire, un traitement IV de 3 jours par remdesivir aurait en effet, chez 562 patients « non hospitalisés mais à haut risque de progression de la maladie », permis de réduire de près de 90 % le risque d’hospitalisation ou de mortalité.
Entre coûts importants et limites logistiques
Cependant, on peut s’interroger sur l’intérêt d’un tel traitement précoce. D’abord parce que l’investigation mise en valeur par le laboratoire pourrait souffrir de limites méthodologiques importantes. « Le recrutement dans cet essai a été arrêté avant d'atteindre ses objectifs de recrutement en avril 2021 », admet Gilead.
Mais surtout, le coût et le mode d’administration – par voie IV, sur trois jours – du remdesivir pourraient poser problème. Un obstacle d’ailleurs déjà soulevé face aux anticorps monoclonaux – plus chers encore que le remdesivir et également administrés en perfusion –, et à nouveau souligné par l’OMS. « [Nous exhortons] les entreprises productrices et les gouvernements à lutter contre le prix élevé et la production limitée de la combinaison d'anticorps de Regeneron et à assurer une manipulation sûre et appropriée du médicament », insiste l’instance.
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