Surdosage, prise erronée, mauvaise observance, interactions, arrêts prématurés de traitement, événements indésirables évitables… Les causes d'accidents liés aux médicaments sont variées, avec parfois des conséquences gravissimes. Ces accidents sont responsables chaque année de plus de 10 000 décès, 130 000 hospitalisations et près de 1,3 million de journées d’hospitalisation dans l'Hexagone.
« Or, dans 50 % des cas, ces accidents sont évitables, plaide Eric Baseilhac, porte-parole de l'association Bon usage du médicament, qui alerte sur l'urgence d'une prise de conscience collective et vient d'organiser un forum* en ce sens. Si on veut faire bouger les lignes, les professionnels de santé seuls n'y arriveront pas, le collectif oui ! »
La surconsommation médicamenteuse – et le cumul de traitements – est un sujet central, notamment pour les personnes âgées. « Un patient peut avoir plusieurs médecins, il y a un risque de iatrogénie à cause de la multiplicité des prescriptions », analyse Xavier Cnockaert, président de l'association et chef de pôle gérontologie au CH de Beauvais. Depuis plusieurs années, le collectif promeut le partage d'informations sur le bon usage du médicament et l'amélioration des logiciels d’aide à la prescription pour réduire les interactions.
Des marges considérables
L'assurance-maladie s'est mise en ordre de marche. Nicolas Revel, directeur général de la CNAM, rappelle l'ampleur du défi à relever. « Pendant très longtemps, la France a été presque championne du monde en termes de consommation de médicaments », souligne-t-il. Avec « 48 boîtes chaque année par patient », les volumes moyens restent élevés. Mais, recadre le directeur, « on s'est rapproché d'une forme de moyenne dans l'OCDE ». Le poste médicament pèse autour de 38 milliards d'euros chaque année avec une prise en charge par l'assurance-maladie à hauteur de 27 milliards. Si le directeur de la CNAM voit une embellie, il estime que « les marges d'amélioration restent considérables ».
La surconsommation d'antibiotiques est emblématique du combat à mener. La célèbre campagne sur les antibiotiques « pas automatiques » avait porté ses fruits temporairement – avant que le message perde toute son efficacité. Des indicateurs ciblés ont été ajoutés en 2017 à la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). « Même si les objectifs n'étaient pas à la hauteur des attentes, nous avons observé des résultats encourageants sur le nombre de traitements par antibiotiques pour les patients de 16 à 65 ans hors ALD qui a baissé de 3,4 points, soit 770 000 traitements évités », se félicite Nicolas Revel. Même constat pour les antibiotiques particulièrement générateurs d’antibiorésistance, avec l'équivalent de 340 000 traitements épargnés. La CNAM souhaite lancer une nouvelle campagne de sensibilisation grand public sur les antibiotiques à partir 2020…
Infirmières et CPTS sur le pont
L'assurance-maladie mobilise les autres professionnels libéraux. Dans l'avenant à la convention nationale des infirmiers, signé fin mars, un nouvel acte valorise l'accompagnement à domicile de la prise médicamenteuse. Prescrit par le médecin, il fait l'objet de trois séances de soins pour favoriser l'adhésion au traitement, l'observance médicamenteuse et prévenir les risques liés à la iatrogénie.
La coordination interpro est également décisive sur ce sujet. « Le bon usage du médicament et le bon suivi des patients polymédiqués constituent des enjeux concrets pour toutes les communautés professionnelles territoriales de santé », assure Nicolas Revel. Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, abonde en ce sens. « La iatrogénie est un champ dans lequel on a des progrès à faire, surtout auprès des personnes âgées polypathologiques et polymédiquées. Il faut davantage de pertinence ! Mais le bon médicament au bon moment nécessite la coordination de toute la chaîne de soins et une formation renforcée ».
Prescription critique et patients experts
De l'avis général, la refonte du premier et du deuxième cycle des études médicales sera une opportunité pour introduire des cours sur le bon usage du médicament, ainsi qu'une pédagogie plus active utilisant la simulation et les jeux de rôles autour de patients polymédiqués. « L'acquisition des compétences serait tournée vers la prescription critique, sa pertinence et l'interprofessionnalité », explique le Pr Pascale Jolliet, doyen de l'UFR de médecine de Nantes. L'accueil systématique de patients experts est une autre recommandation. « Gérer les effets indésirables, s'assurer que le patient a bien compris la prescription… Tout ceci se travaille ».
* Forum bon usage du médicament organisé en partenariat avec le groupe nehs, actionnaire du « Quotidien du Médecin »
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