« Les dix prochaines années vont être incroyablement excitantes », conclut Fabrice Delaye, un journaliste scientifique suisse dans son ouvrage consacré à la révolution de l’ARN messager. Depuis le cancer jusqu’aux maladies auto-immunes sans oublier les maladies rares, c’est tout le champ de la médecine qui devrait être bouleversé en profondeur par l’innovation en cours. Mais en sciences comme en politique, faut-il croire aux belles promesses ? Certes, l’histoire de l’ARN messager comme le raconte l’auteur, est d’abord la victoire d’outsiders, longtemps relégués ou discrédités. Le livre évoque ainsi les déconvenues de Robert Malone, premier auteur de l’article fondateur sur l’ARN messager (voir notre article). Quant à l’industrie pharma, elle n’a jamais cru aux potentialités thérapeutiques de l’ARN messager avant l’année 2020… L’ARN messager sera-t-il pour autant le couteau suisse des traitements de demain ?
Transport complexe
Les chercheurs, à la différence de ceux qui partent à la conquête des bulletins de vote, ne cachent pas les obstacles à lever. Contre toute attente, le problème de logistique, pour être plus précis celui du transport de l’ARN, apparaît comme le plus complexe. Dan Anderson, professeur de bio-ingénierie au célèbre MIT de Boston (Etats-Unis) résume brillamment la situation : « Le défi central, ce n’est plus la biologie. C’est le transport des ARN et en particulier la capacité de viser un type de cellule spécifique. » L’enquête de Fabrice Delaye pointe dans le Blitzkrieg réussi par BioNTech/Pfizer et Moderna l’importance des nanoparticules. Katalin Karikó et Drew Weissman n'auraient pas brigué pas le Prix Nobel s’ils n’avaient eu à leur disposition ces véhicules légers. Il ne sert en effet à rien de disposer de l’ARNm le plus intelligent qui soit si on ne peut l’arrimer à bon port, ici les cellules de l’individu. Pieter Cullis, un Canadien de Vancouver, a joué dans cette histoire un rôle capital. Son équipe a réussi la mise au point pour la première fois de lipides ionisables. « Leur charge électrique change en fonction du niveau d’activité du milieu dans lequel ils évoluent », explique-t-il à Fabrice Delaye. Ce qui a contribué à l’ancrage des ARNm préalablement encapsulés dans ces nanoparticules. Cette découverte est toutefois âprement discutée. Elle ferait l’objet d’une dizaine de procès. Les enjeux sont, on l’a compris, considérables.
Défis persistants
A ce jour, toutefois, la technologie des nanoparticules, en dehors des vaccins contre le Sars CoV-2, est loin d’avoir gagné toutes les batailles. Ces nanoparticules ont certes contribué à la mise sur le marché d’Onpattro® (patisiran, laboratoires Anylam), un ARN interférent transporté au niveau du foie afin de bloquer la production d’une protéine spécifique. Un projet en cours de développement par Translate Bio acquis depuis la rédaction du livre par Sanofi vise à transporter ses ARN messager sous forme d’aérosols. Persistent toutefois un grand nombre de défis. Outre le ciblage, doivent être également résolus selon le Pr Robert Langer, à l’origine de 30 start-up dont Moderna, les questions de stabilité, de toxicité, de dégradabilité sans oublier la production industrielle et la durée de conservation. Le champ des possibles est donc ouvert. Pour autant, la prochaine décennie sera-t-elle pour la médecine celle des jours heureux ? Il aura fallu trente ans pour maîtriser l’usage thérapeutique de l’ARN messager. Fabrice Delaye nous en rappelle les débuts plutôt chaotiques. En attendant la suite.
La révolution de l’ARN messager, vaccins et nouvelles thérapies, Fabrice Delaye, éditions Odile Jacob, 206 p, 2021, 19,90 euros.
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