Infections sexuellement transmissibles

Le nouveau défi de la syphilis

Par
Publié le 19/02/2016
Article réservé aux abonnés
Plus de cas et moins de moyens… Alors que la syphilis revient sur le devant de la scène, les praticiens de ville restent démunis avec des possibilités diagnostiques et thérapeutiques réduites.
Syphilis

Syphilis
Crédit photo : AUBERT/PHANIE

Quasiment disparue il y a 20 ans, la syphilis revient en force depuis les années 2000. Avec semble-t-il, une accélération du phénomène au cours de ces dernières années.


Les données 2014 du réseau RésIST publiées la semaine dernière par l’InVS montrent ainsi une hausse importante des cas de syphilis récente recensés entre 2012 et 2014 en France. Sur cette période, le nombre de diagnostics a augmenté de 50 % chez les hommes ayant des relations avec les hommes (HSH) qui concentraient en 2014 près de 84 % des patients concernés. « Une augmentation du nombre de cas est également observée chez les hétérosexuels depuis 2012, notamment dans les régions non franciliennes de la métropole », souligne l’InVS.

Des comportements à risque plus fréquents


La modification des comportements sexuels et le relâchement de la prévention observés  depuis l’arrivée des trithérapies anti-VIH expliquent probablement en grande partie cette progression. Depuis 2000, les enquêtes comportementales ont en effet mis en évidence une diminution de l’usage systématique du préservatif, quels que soient le partenaire et le statut sérologique des HSH et l’arrivée de la Prep pourrait renforcer le phénomène.

Par ailleurs, l’utilisation systématique du préservatif lors des fellations reste rare (<2 % en 2014) quelle que soit l’orientation sexuelle.  Or, contrairement au VIH, « la syphilis s’attrape facilement par des relations oro-génitales », rappelle le Dr Michel Janier (dermato-vénéréologue, hôpital Saint-Louis et hôpital Saint-Joseph, Paris).

Le casse-tête du traitement


Les ruptures de stocks d’Extencilline (benzathine benzylpénicilline) en 2013 puis l’arrêt de sa commercialisation en 2014 ont aussi pu contribuer au phénomène. « On utilise désormais la Sigmacillina qui a tous les inconvénients et dont le seul avantage est d’être disponible », ironise le Dr Janier.  Et de pointer la formulation en 1,2 M UI imposant deux injections, la présentation en seringue prémontée rendant impossible l’adjonction de xylocaïne, la conservation au réfrigérateur et le prix bien plus élevé que celui de l’Extencilline. S’y ajoute une délivrance hospitalière exclusive qui « rend le circuit plus compliqué et ne facilite pas le traitement rapide », reconnaît le Dr Florence Lot (InVS).

Dans ce contexte, la recherche d’alternatives thérapeutiques peut être tentante. « Les guidelines officielles pour la syphilis précoce préconisent une injection de 2,4 millions d’unités de pénicilline G retard et les autres traitements ne sont proposés qu’en deuxième voire troisième ligne », insiste le Dr Janier.

L’alternative la plus classique est la doxycycline 100mg  x2 /j pendant 15j. Mais cette stratégie se révèle moins efficace avec une négativation beaucoup plus lente de la contagiosité et entraîne un risque de résistance  et d’interruption du traitement. « Malheureusement, dans la mesure où cela est devenu très compliqué de donner de la péni G, les médecins l’utilisent de plus en plus, ce qui, à terme, va être catastrophique pour l’épidémie ».

Plus en amont, le diagnostic de la maladie peut aussi être complexe. S’il est systématique lors de la syphilis primaire, le chancre passe volontiers inaperçu en cas de localisations rectales, vaginale ou buccale. Par ailleurs, en cas d’ulcération visible, le diagnostic doit être confirmé. Or l’examen microscopique au fond noir n’est plus disponible, la PCR n’est pas remboursée en ville tandis que les sérologies sont volontiers négatives à ce stade précoce de la maladie. Avec, au final, un diagnostic réalisé au stade de syphilis primaire dans seulement 25 % des cas selon l’InVS.

Un diagnostic difficile


Du fait d’un tableau clinique peu spécifique, (adénopathies, roséoles, hépatite, etc.) le diagnostic de syphilis secondaire peut aussi être difficile.  Par ailleurs seulement 1/3 des patients non traités font une syphilis secondaire tandis que la majorité présente des formes sérologiques ou latentes restant asymptomatiques. Ainsi, « faire un diagnostic et traiter une syphilis précoce en ville est devenu une gageure », résume le Pr Janier qui invite les praticiens «  à ne pas hésiter à adresser leur patient à des structures spécialisées en cas de suspicion clinique ».

 

 

 

 

 

 

 

Bénédicte Gatin
IST

Source : lequotidiendumedecin.fr