Fondamentaux ! C’est le qualificatif souvent entendu aux 75es Sessions Scientifiques de l’ADA (Boston, 5-9 juin 2015) à propos des résultats à 10 ans de l’étude VADT (Veterans Affairs Diabetes Trial). Publiées dans le NEJM quelques jours en amont du congrès, ces nouvelles données démontrent clairement ce qu’aucune étude de grande ampleur dans le diabète de type 2 n’avait pu étayer formellement jusque-là : viser une cible glycémique stricte est bénéfique et essentiel pour limiter les événements cardiovasculaires (CV).
Ce bénéfice du traitement intensif glycémique sur les événements macrovasculaires aura mis des années à sortir au grand jour. On sait depuis longtemps que le déséquilibre glycémique aggrave à la fois les complications micro et macrovasculaires. Pour un point de plus d'HbA1c, c’est +30 % de rétinopathies, néphropathies et neuropathies et +10 à 15 % de complications macrovasculaires. À l’inverse, suivre une stratégie glycémique intensive (<7% voire <6,5 % d’Hba1c) prévient les complications microvasculaires, de façon incontestée. En revanche, les preuves étaient bien plus ténues, voire théoriques, concernant son impact sur le risque cardiovasculaire et la mortalité cardiaque.
L’essai ACCORD avait bien mis en évidence un bénéfice du contrôle strict sur les événements CV non fatals mais au prix d’une augmentation de la mortalité sous traitement intensif. De même, le suivi à 10 ans de l’emblématique cohorte UKPDS, avait montré, chez des diabétiques de novo, un bénéfice au long cours du traitement intensif sur les événements CV, mais il était difficile d’extrapoler ces données aux diabétiques âgés, avec une grande ancienneté de diabète et cumulant les comorbidités, soit finalement la majorité des patients diabétiques suivis en consultation.
Le risque cardio-vasculaire réduit de 17 %
Les résultats à 10 ans de la cohorte VADT (1791 vétérans américains âgés en moyenne de 60 ans et diabétiques depuis 11,5 ans en moyenne) le permettent désormais. « En 2008, à l’issue du suivi randomisé de 5,6 ans en moyenne, nous n’avions pas de réponse, remarque le Dr Jean-Pierre Riveline (Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications, Hôpital Lariboisière, Paris).
Or ce suivi observationnel à près de 10 ans prouve que baisser l’hémoglobine glyquée de diabétiques âgés déjà compliqués (avec cardiopathies stables) améliore bel et bien leur pronostic CV.?» À 9,8 ans, le risque de survenue du critère primaire (IDM, AVC, aggravation d'insuffisance cardiaque congestive...) était inférieur dans le groupe traité initialement de façon intensive (objectif glycémique cible de 6,5 % d’HbA1c) avec un risque relatif réduit de 17 %.
Qu’en déduire en pratique vis-à-vis de la cible glycémique optimale ? La question est d’autant plus importante qu’après avoir été largement encouragé au début des années 2000, le contrôle glycémique intensif pour tous a été ensuite remis en cause au profit d’une approche davantage personnalisée. Fin 2013, le CNGE allait même plus loin, estimant que «?selon les données actuelles de la science, aucune valeur cible d’HbA1C n’est validée et aucun médicament antidiabétique n’a démontré une efficacité sur des critères de morbimortalité avec un haut niveau de preuve. Il est donc prudent de ne soumettre les patients à aucune escalade de médicaments antidiabétiques dont le bénéfice clinique n’est pas démontré alors que leurs effets indésirables sévères sont bien documentés ».
« Dans VADT, l’objectif glycémique (6,5 % d’HbA1c) paraît bien toléré (sans surmortalité) et semble protéger à dix ans les patients sur le plan cardiovasculaire dans une population de diabétiques hétérogène mais tous en prévention secondaire », répond Jean-Pierre Riveline. Cela ne contredit pas le message actuel qui est de personnaliser la cible glycémique à la fragilité du patient, mais cela rappelle qu’il ne faut pas être laxiste pour autant, y compris chez des patients cumulant les comorbidités. « Chez les diabétiques avec une maladie cardiovasculaire sévère et/ou avec une réduction de la fraction d’éjection, 6,5 % d’HbA1c semble un objectif trop strict, poursuit-il. Ainsi, en cas de cardiopathie ischémique récente ou d’insuffisance cardiaque (population exclue de l’étude), il me semble préférable de rester sur une Hba1c personnalisée (environ 8 % selon les dernières recommandations de la HAS). En revanche, viser les 6,5 % d’HbA1c chez les autres diabétiques à haut risque CV est souhaitable. Et désormais, je serai a priori plus exigeant chez des patients ayant des facteurs de risque vasculaires (dans VADT, plus de 50 % avaient une HTA), un diabète avancé et plus de 65 ans. »
À souligner : aucun effet dans le groupe intensif n’a été retrouvé sur la mortalité CV et toutes causes. Ceci est sans doute à mettre sur le compte d’un effectif limité mais aussi d’un délai de suivi insuffisant pour faire ressortir des différences vis-à-vis de la mortalité CV du fait des progrès réalisés en cardiologie.
Gliptines et incrétine : rien à signaler
Si équilibrer la glycémie est nécessaire pour préserver l’état cardiovasculaire, les anti-diabétiques n’ont, a priori, pas d’effet cardiovasculaire protecteur propre à court terme, en dehors de leur action indirecte via l’équilibre glycémique. Elles n’ont pas non plus d’effets cardiovasculaires délétères – du moins pour les molécules récentes – rassurent les essais TECOS et ELIXA.
Ces essais se sont penchés respectivement sur la tolérance cardiovasculaire de la sitagliptine (un inhibiteur de la DPP-4) et du lixisenatide (un analogue du GLP1). À court terme (suivi médian de 3 ans dans TECOS), le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaire, IDM non fatal, AVC non fatal, et hospitalisation pour angor instable) était identique avec ces traitements que sous
placebo.
Une neutralité cardiovasculaire rassurante, alors qu’une précédente étude de sécurité CV menée cette fois-ci avec la saxagliptine (SAVOR TIMI 53) avait objectivé un sur-risque de 27 % d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Dans TECOS, des hospitalisations pour IC ont été enregistrées chez 3,1 % des sujets du groupe sitagliptine vs 3,1 % des patients du groupe placebo. Le signal d’insuffisance cardiaque observé dans SAVOR n’est donc pas retrouvé ici, prouvant « qu’il ne s’agit pas d’un effet classe », conclut Jean-Pierre
Riveline. À trois ans, il n’y a pas non plus de différence en termes de cancer du pancréas ou de pancréatite aiguë dans ELIXA ni dans TECOS. À l’ADA, une analyse complémentaire de SAVOR TIMI 53 a elle aussi fait valoir l’absence de sur-risque de cancer, de tout type.
Les gliflozines (inhibiteurs des SGLT2) seront les prochaines molécules à se plier à l’examen de l’innocuité cardiovasculaire avec un essai déjà en cours pour l’empagliflozine.
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