Rapport Morlat

La PrEP gravée dans le marbre

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Publié le 11/12/2015
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À l’occasion de son actualisation 2015 le rapport Morlat s’étoffe avec un volet dédié à la PrEP. Des recos qui confortent cette nouvelle approche de prévention du VIH tout en soulignant ses écueils.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Promise par Marisol Touraine, revendiquée par de nombreuses associations de patients, préconisée par bon nombre de scientifiques, la chimioprophylaxie pré-exposition du VIH ou PrEP est en train de devenir une réalité en France. Fin novembre, l’ANSM a ainsi donné son feu vert pour l’utilisation du Truvada® (tenofovir/emtricitabine) dans cette indication, dans le cadre d’une RTU. Une semaine plus tard, la PrEP vient de faire son entrée officielle dans le rapport Morlat.


À l’occasion de son actualisation 2015, la « bible » de la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH s’enrichit en effet de tout un opus dédié à cette question. Alors qu’en 2013, le groupe de travail mené par le Pr Philippe Morlat (CHU de Bordeaux) avait considéré qu’il était trop tôt pour sauter le pas, cette fois-ci les experts préconisent clairement le recours à la PrEP chez certains sujets à risque. En soulignant toutefois qu’il ne s’agit pas de remplacer les méthodes de prévention classiques mais seulement d’offrir un outil de protection supplémentaire aux personnes réfractaires aux autres approches. « Le préservatif ainsi que dépistage et le traitement le plus précoce des personnes séropositives reste la base de la prévention », insiste le Pr Morlat.


La décision du groupe de travail repose à la fois sur des arguments épidémiologiques (6 000 à 8 000 nouvelles contaminations surviennent encore chaque année en France) et sur les données de plusieurs essais randomisés récents qui confirment l’efficacité et la faisabilité de cette approche. Les experts plaident pour que la PrEP puisse être prescrite « aux HSH* ayant des relations sexuelles à haut risque d’acquisition du VIH ». Une population qui concentre plus de 50 % des nouvelles contaminations et chez qui les niveaux de preuve de l’efficacité de la PrEP sont les plus clairement établis. Les personnes transgenres à haut risque de contamination sont aussi ciblées. « Nous avons aussi laissé la porte ouverte à la prescription au cas par cas pour d’autres personnes à risque, indique le Pr Morlat, comme les usagers de drogues IV avec partage de seringues ou les personnes en situation de prostitution ou de vulnérabilité exposées à des rapports sexuels non protégés à haut risque. »

Prescription réservée


Quelles que soient les indications retenues, le texte insiste sur l’accompagnement psychosocial des personnes concernées « de façon à progressivement les amener vers une prévention classique qui soit totalement sécurisante même vis-à-vis des autres IST ».


L’accent est mis aussi sur le suivi médical, à la fois pour repérer une éventuelle néphrotoxicité du ténofovir mais, surtout, « pour ne pas méconnaître une infection VIH récente et limiter les risques de résistance du VIH occasionnés par la poursuite d’une PrEP dans cette situation ». Avec, à la clé, « un suivi quasiment plus rapproché que pour les patients VIH sous traitement », souligne le Pr Morlat, tout en reconnaissant que cela risque de poser des problèmes de logistique. Ce d’autant que, pour le moment, la prescription reste réservée aux spécialistes du VIH et n’implique pas les médecins libéraux. Se posera aussi la question du coût, Marisol Touraine s’étant engagée sur un remboursement à 100 % dans le cadre de la RTU. Même si le caractère coût-efficace de la PrEP a été montré, l’addition risque donc d’être lourde. Selon une première estimation, en France, la PrEP pourrait bénéficier à plusieurs dizaines de milliers de personnes ...

Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr