C’est à un exercice d’équilibriste auquel se sont livrés les 18 membres de la conférence de citoyens sur la fin de vie. Le sujet est, il vrai, sensible. D’ailleurs, les organisateurs de la conférence de presse qui se déroulait à Paris avaient prévenu les journalistes de pas trop ébruiter le lieu. Après avoir précisé que les Etats Généraux sur la fin de vie avaient débuté il y a «déjà un an et demi», Jean-Claude Ameisein, président du Comité consultatif nationale d’éthique (CCNE), a rappelé que peu de «questions de bioéthique avaient pris autant de temps». Laissant ensuite la parole aux 18 membres de la "conférence de citoyens", tous présents, le Pr Ameisen a en préambule souligné le caractère indépendant de cet avis.
En préalable, les membres retirent de leur trois week-ends de réflexion depuis la mi-novembre que le public est sous informé sur le cadre légal de la fin de vie. Et ils insistent sur la nécessité de développer les soins palliatifs demandant même qu’elle devienne une «cause nationale». «Ces soins doivent être partie prenante dans la formation initiale comme continue de l’ensemble du corps médical», estiment-ils. Ils ont également constaté une «large méconnaissance du grand public», par exemple au sujet des directives anticipées, prévues dans la loi Leonetti et qu’ils souhaitaient rendre «contraignantes». En conséquence, les 18 citoyens recommandent la mise en place d’un fichier informatique national leur conférant ainsi un caractère officiel et opposable à l’entourage familial et aux médecins. Les citoyens souhaitent également l'autorisation de la sédation en phase terminale, soulignant que, dans cette phase, «l'objectif de soulagement de la douleur et de la souffrance du patient doit primer sur le risque de décès pouvant survenir à l'issue d'une sédation profonde».
Assistance au suicide médicalisée et exception d’euthanasie
Mais c’est sur le suicide médicalement assisté que la conférence de citoyens sur la fin de vie a le plus surpris. A rebours du rapport Sicard et de l’avis de la CCNE, elle considère la possibilité d’y avoir recours comme «un droit légitime» pour le «patient en fin de vie ou souffrant d’une pathologie irréversible, reposant avant tout sur son consentement éclairé et sa pleine conscience». Pour les personnes dans l’incapacité de réaliser elles-mêmes cet acte seuls, le consentement du patient s’appuiera «sur les directives anticipées qu’il a pu rédiger ou sur la volonté qu’il a exprimé à un tiers».
Concernant la question de l'euthanasie, les citoyens se rangent en revanche aux avis prédemment exprimés. Ils estiment ainsi que «les mesures contenues dans la loi Leonetti, les avancées en matière de soins palliatifs et l'ouverture de recourir au suicide assisté que nous préconisons dans notre avis permettent d'écarter l'euthanasie comme solution pour la fin de vie». Toutefois, ils se déclarent favorables à «une exception d'euthanasie», envisageable dans «des cas particuliers ne pouvant entrer dans le cadre du suicide assisté» comme lorsque «le consentement direct du patient ne peut pas être recueilli». «Ces cas strictement encadrés seront laissés à l'appréciation collégiale d'une commission locale qu'il conviendra de mettre en place», précisent-ils.
L’ADMD presque satisfaite, Léonetti inquiet
Cet avis "citoyen" plutôt audacieux sur la fin de vie relance complètement le débat sur la question. Cela n’a pas échappé à Jean-Luc Romero. Alors que le principe d’une "conférence citoyenne" laissait jusque-là sceptique le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui milite pour la légalisation de l'euthanasie, il salue dans un communiqué une «grande avancée» sur le suicide assisté. Cela ne l’empêche pas de se montrer beaucoup plus critique sur «l'exception d'euthanasie». Estimant qu'il s'agit «d'une fausse bonne idée qui ne répond pas à toutes les situations puisqu'elle laisse encore trop de place à la décision médicale», il demande au chef de l’Etat de rester fidèle à sa proposition de campagne.
A l’inverse, Jean Léonetti "père" de la loi de 2005, s’inquiète des proposition de légalisation sur le suicide assisté : «La possibilité d’un "droit à la mort" constitue une rupture de solidarité d’une société vis-à-vis des plus faibles, alors que le suicide est un «droit liberté», il ne peut devenir un «droit créance» sans remettre en cause les droits fondamentaux,» objecte le médecin et député des Alpes-Maritimes, qui estime que «pour prévenir les dérives éventuelles telles que l’ont connues la Suisse, il est important de poursuivre la réflexion et d’ouvrir un plus large débat citoyen sur ce sujet complexe et douloureux.»
Après cet avis, Jean-Claude Ameisen va désormais plancher jusqu’en février-mars sur une synthèse de l’ensemble des réflexions menées depuis 18 mois sur le sujet. Reste désormais à savoir ce que le président de la République fera de tout cela, lui qui avait promis dans son programme électoral une loi permettant de «bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité». Réponse en 2014, puisqu’une loi devrait être déposée avant l’été.
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation
Manger du poisson ralentit la progression de la sclérose en plaques