Chaque année, l’actualisation du calendrier des vaccinations est attendue avec une certaine impatience. Avec celle de 2019, tout juste publiée, la plus grande surprise a été sans doute de ne pas élargir la vaccination anti-HPV à l’ensemble des garçons, démarche pourtant souhaitée par beaucoup de médecins. La décision n’est pas définitive, puisque la HAS planche sur le sujet.
En 2018, avoir passé à onze le nombre des vaccinations obligatoires dans les 18 premiers mois de l’enfant a été l’action majeure d’Agnès Buzyn. Si cette année, le calendrier vaccinal ne connaît pas de bouleversement majeur, deux changements importants méritent d’être soulignés. Le premier concerne l’arrêt de la vaccination BCG obligatoire pour les professionnels de santé, en raison surtout de son manque d’efficacité chez l’adulte avec parfois des effets indésirables locaux non négligeables (lire encadré). Par ailleurs, le vaccin anti-HPV n’est toujours pas élargi aux garçons, contrairement à ce qu’attendaient bon nombre d’experts et de médecins. Alors que de plus en plus de pays (Grande-Bretagne, Canada, Autriche, Australie…) jouent la parité, la France reste sur l’avis du Haut conseil de la santé publique de 2016, ne protéger que les filles.
Agnès Buzyn favorable
Cette décision a surpris, puisque ces derniers mois de nombreuses voix s’étaient élevées pour l’élargissement de cette protection au sexe masculin. À commencer par Agnès Buzyn elle-même, qui en janvier dernier lors de ses vœux à la presse avait déclaré y être favorable à titre personnel. L’OMS déclare de son côté la guerre au HPV en annonçant un projet de stratégie mondiale qui sera examiné en 2020, visant à accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus.
À l’intérieur de nos frontières, la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) s’est déclarée favorable à une vaccination élargie aux garçons, pour trois raisons essentielles : « les pathologies liées aux HPV ne concernent pas que les femmes, ensuite nous souhaitons couper la chaîne de la contamination, et enfin une vaccination adressée aux seules filles a une connotation quelque peu “sexiste” préjudiciable », explique le Pr Jean Gondry, président de la SFCPCV. En effet, même si certains HPV sont surtout impliqués dans la survenue de cancers du col utérin, ils provoquent d’autres tumeurs : vagin, vulve, anus, verge et oropharynx. « Il y a quelques années, les ORL indiquaient que ces virus étaient impliqués dans environ 10 % des cancers de l’amygdale et du palais. Récemment, ces spécialistes ont revu cette évaluation, concluant à une responsabilité de près de 50 % de ces tumeurs », ajoute le Pr Gondry. Leur prévention par la vaccination pourrait être pertinente, car contrairement à celui du col utérin, il n’existe aucun moyen de dépistage efficace pour ces cancers. « Mais attention, tempère le Pr Gondry, pour l’heure nous n’avons aucune étude prouvant l’efficacité du vaccin anti-HPV dans la prévention des cancers ORL. »
De leur côté, beaucoup de médecins généralistes adhérent à cet élargissement de la vaccination anti-HPV. 74 % des 453 répondants à une enquête réalisée par legeneraliste.fr en février dernier y sont favorables. Au dernier congrès du Collège national des généralistes enseignants (novembre 2018, Tours), un travail réalisé en Auvergne avait été présenté sur l’acceptabilité de cette vaccination aux garçons auprès des parents et des généralistes. Si la cause semble acquise du côté des praticiens, la démarche paraît en revanche plus compliquée du côté des familles.
La HAS y travaille encore
Si le dernier calendrier vaccinal n’intègre pas la vaccination anti-HPV élargie aux garçons, cela ne signifie pas que le sujet est clos. L’année dernière, le ministère de la Santé a saisi sur cette question la Haute autorité de santé (HAS) qui décortique actuellement différents travaux, dont les recommandations internationales. « Tout ce travail d’évaluation est à mettre en perspective avec la spécificité française d’une couverture vaccinale très faible chez les filles », rappelle Catherine Rumeau-Pichon, adjointe à la directrice de l’évaluation médicale, économique et en santé publique à la HAS.
La tâche n’est pas simple, car si cette vaccination à ce jour exclusivement féminine peut paraître “sexiste”, « comme dans tout programme de santé publique, la vaccination anti-HPV cherche en priorité à protéger la population la plus exposée aux conséquences de l’infection, à savoir ici les femmes, argumente Catherine Rumeau-Pichon. Cependant, cela pose une question, celle de faire peser sur seulement une partie de la population la protection contre certains virus HPV alors que les hommes sont transmetteurs. Dans son évaluation, la HAS prendra en compte et mettra à plat ces arguments sociétaux, comme elle le fait d’ailleurs quand se posent des questions de cet ordre. Seront aussi considérés les éléments permettant d’expliquer le faible taux de couverture constaté en France ».
La question des rapports homosexuels
Un autre sujet illustre la complexité de la problématique, celui de la vaccination anti-HPV chez les garçons ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) jusqu'à 26 ans. Si les arguments en faveur de leur protection sont majeurs, en pratique on peut s’interroger sur l’efficacité de sa mise en œuvre. « Dans les faits, la vaccination est efficace. Cependant, son intérêt est de la mettre en place avant tout contact avec le HPV, explique Catherine Rumeau-Pichon. Les HSH devraient donc potentiellement être vaccinés avant même d’avoir déterminé leur orientation sexuelle. Cela justifie-t-il de vacciner en amont l’ensemble de la population masculine ? C’est une des questions à laquelle devra répondre notre actuel travail d’évaluation. »
Se pose aussi l’aspect financier. Le coût élevé de la vaccination anti-HPV, plus de 100 euros (prix honoraire de dispensation inclus), va-t-il jouer un rôle dans la décision de la HAS de l’élargir ou non à la gent masculine ? « À court terme, le coût financier serait important pour la collectivité, avec des retombées qui ne seront visibles que dans 20 à 30 ans », explique le Pr Gondry. Dans l’évaluation actuellement menée par la HAS, la question du prix sera bien entendu analysée. « Dans la plupart des recommandations vaccinales, on prend en compte son efficience », commente Catherine Rumeau-Pichon. Ce travail d’évaluation va encore durer quelques semaines, pour une réponse qui devrait être connue au deuxième semestre de cette année.
Recommandations générales et particulières
Le dernier calendrier des vaccinations recommande le vaccin anti-HPV des filles âgées de 11 à 14 ans, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans révolus ; des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) jusqu’à l’âge de 26 ans par Gardasil ; ainsi que des garçons et des filles immunodéprimés selon les mêmes âges qu’en population générale, ou encore candidats à une transplantation d’organe solide chez qui la vaccination peut débuter dès l’âge de 9 ans.
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