Alors que les espoirs de sortie de crise reposent en grande partie sur la vaccination, la menace des variants se précise, faisant craindre des phénomènes d’échappement vaccinal, notamment vis-à-vis des clones brésilien et sud-africain. Élaborés à partir d’antigènes de la souche historique (Wuhan) du SARS-CoV-2, certains vaccins pourraient en effet s’avérer moins performants vis-à-vis de ces nouveaux venus.
Mieux lutter contre les variants
Dans ce contexte, l’attention de la communauté scientifique et des autorités se porte de plus en plus vers les vaccins de seconde génération. Ainsi, le Conseil scientifique a préconisé dans son dernier rapport de se doter au plus vite de nouveaux produits dirigés spécifiquement contre les nouveaux variants.
D’ores et déjà, « tous les producteurs de vaccins actuels essaient de savoir si, contre ces variants, des rappels suffiront ou s’ils doivent redévelopper leur vaccin avec par exemple, aujourd’hui, la souche sud-africaine », rapporte le Dr Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique Vaccin Covid. En effet, si dans le cas de Pfizer-BioNTech, une injection supplémentaire pourrait suffire, pour d’autres vaccins moins immunogènes, cibler spécifiquement les variants d’intérêt pourrait s’avérer nécessaire dans le futur.
En permettant d’obtenir des titres d’anticorps plus élevés, les vaccins sous-unitaires avec adjuvant, comme ceux de l’américain Novavax ou de Sanofi-Pasteur (plutôt attendu pour l’automne), pourraient « aussi être un plus vis-à-vis des variants » indique par ailleurs le Pr Odile Launay (infectiologue au Centre d’investigation clinique en vaccinologie Cochin-Pasteur, Paris). En cas d’infection par une nouvelle souche, « on pense en effet que l’obtention d’anticorps à des concentrations très élevées devrait avoir un impact potentiel sur la réplication du virus, même s’ils ne sont pas directement adaptés au variant ».
En outre, pour éviter d’avoir à re-vacciner la population au gré de la circulation des variants, certains laboratoires (comme Moderna et Sanofi-Pasteur) cherchent à intégrer dès à présent non pas une mais plusieurs souches antigéniques dans leurs produits. Plus ambitieuses, d’autres sociétés tentent même de mettre au point des vaccins véritablement universels, qui resteraient efficaces contre tous les variants non seulement présents mais aussi futurs. C’est le cas des français Osivax et Ose Immunotherapeutics, dont la technologie, fondée non pas, comme la plupart des vaccins actuels, sur la protéine Spike mais sur une autre protéine moins concernée par les mutations, ciblerait non l’immunité humorale mais l’immunité cellulaire. De façon moins originale, les vaccins inactivés, c’est-à-dire fondés sur la totalité du virus, comme les produits chinois de Sinovac et de Sinopharm, mais également comme le candidat de la société franco-autrichienne Valneva qui devrait bientôt arriver en Europe, pourraient offrir une immunité plus large et donc s’avérer également peu sensibles aux mutations de la protéine Spike.
Sécuriser les approvisionnements en vaccins
Au-delà de la seule lutte contre les variants, les vaccins de seconde génération pourraient répondre à d’autres enjeux et notamment aider à sécuriser les commandes de vaccins. Alors que l’approvisionnement mondial et son corollaire, le bon déroulement des campagnes de vaccination, dépendent encore d’un trop faible nombre de laboratoires, l’arrivée de nouveaux vaccins pourrait changer la donne en multipliant les fournisseurs. Des candidats vaccins relativement bien avancés et fondés sur des technologies déjà enregistrées devraient être les premiers à venir s’ajouter à l’arsenal existant pour accélérer la campagne. Il s’agit par exemple, outre le candidat de Valneva, du vaccin à ARNm développé par l’allemand Curevac (qui pourrait montrer de premiers résultats dès mai, selon Marie-Paule Kieny) mais aussi des vaccins sous-unitaires.
Dans le même objectif, alors que les laboratoires font face depuis plusieurs mois à des difficultés de production, des technologies pour lesquelles on ne dispose pas encore de preuve de principe contre le Covid-19 pourraient s’avérer plus adaptées à la fabrication à très large échelle que les produits fondés sur des approches déjà enregistrées. Cela pourrait être le cas des vaccins basés sur l’utilisation comme antigène viral non pas de la protéine Spike entière, mais seulement de son domaine de liaison aux récepteurs ACE2 humains. Une technologie promue par exemple par le sud-coréen SKbio et qui suscite l’intérêt de l’initiative Covax de l’OMS.
Faciliter la mise en œuvre de la vaccination
Afin d’accélérer la campagne au-delà de l’arrivée des doses, d’autres approches susceptibles de faciliter l’utilisation des vaccins sont à l’étude. En termes de conservation, les laboratoires sont sur le pont, « avec beaucoup de travaux en cours – qui pourraient aboutir rapidement – pour essayer de stabiliser les ARN et s’affranchir ainsi de la congélation pour les vaccins à ARN », indique le Pr Launay.
À l’heure de la vaccination de masse, de nouvelles voies d’administration moins invasives, plus accessibles, moins contraignantes que la voie intramusculaire sont aussi développées. Par exemple, Pasteur-TheraVectys a choisi pour son candidat à vecteur lentiviral la voie nasale. En évitant les injections, ce mode d’administration permet d’éviter le recours à un matériel coûteux et surtout à des personnels formés, ouvrant la voie, comme le souligne le Dr Kieny, à l’auto-administration. À noter par ailleurs que cette voie est associée à une réponse immunitaire non seulement systémique mais aussi locale, capable de prévenir le franchissement des muqueuses par le virus. D’où un impact possiblement plus important sur la transmission du virus.
Des validations de plus en plus exigeantes
Si les candidats vaccins sont nombreux, certains pourraient avoir du mal à franchir le cap de l’homologation. « Du fait de l’existence de vaccins efficaces, il ne sera bientôt plus éthique de conduire des essais contre placebo », explique en effet le Dr Kieny. Alors que les vaccins actuels sont enregistrés sur la base de leur efficacité clinique, les prochains pourraient plutôt se voir validés sur la base de corrélats de protection – soit des réponses immunitaires couramment associées à une protection que ces candidats seraient capables d’induire. Or, pour des sociétés comme Ose Immunotherapeutics et Osivax, qui développent des vaccins fondés sur une réponse immunitaire cellulaire, moins connue, plus difficile à mesurer et à associer avec une protection clinique, cette nouvelle exigence pourrait s’avérer problématique. « Ces vaccins pour lesquels on n’a pas de comparateur risquent d’avoir de grandes difficultés à montrer qu’ils ont un vrai intérêt », s’inquiète le Dr Kieny, qui déplore un mauvais timing : si ces technologies très originales étaient arrivées plus tôt, elles auraient en effet pu être validées, comme les vaccins actuels, sur la base de résultats d’essais cliniques contre placebo classiques.
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