2000, 4000, 12 000 et bientôt 30 000 tests PCR par jour d’ici la fin de la semaine voire 50 000 fin avril… Depuis une dizaine de jours, les autorités sanitaires françaises soulignent chaque soir la montée en puissance des capacités françaises de diagnostics biologiques du SARS-COV2. « Je vous annonce que la France a passé commande pour 5 milllions de tests rapides », a même annoncé samedi soir le ministre de la Santé, lors de son allocution en duo avec le Premier ministre.
Alors que les pressions sur le sujet sont fortes, le gouvernement semble vouloir se mettre en ordre de marche pour tester à grande échelle. Mais dans quel but ?
Mi-mars, l’OMS a exhorté tous les états à mettre en œuvre des dépistages massifs des cas suspects dans une optique de repérage et d’isolement des patients contaminés. Au même moment la France entrait en phase 3 et faisait le choix du confinement et d’une politique de test centrée essentiellement sur les patients sévères ou à risque et pour certains soignants.
Une décision loin de faire l’unanimité. Citant en exemple la Corée du Sud, -où le dépistage a grande échelle assortie de l’isolement strict des personnes infectées et du tracking numérique minutieux des sujets contact a permis semble-t-il de juguler l’épidémie-, plusieurs voix se sont élevées pour exiger sinon une politique équivalente, du moins un plus large recours au test, notamment en ville. Ainsi, pour le CNGE, « les données de la littérature scientifiques nous engagent à associer rapidement la stratégie actuelle basée sur un confinement raisonnable à un dépistage massif des cas et des suspicions de cas en milieu ambulatoire ». « La doctrine d’usage rationné et raisonnée des tests doit évoluer », a lui-même reconnu le ministre de la Santé.
Quel apport par rapport à la clinique ?
Pour autant, si la montée en puissance des capacités de dépistage se confirme, faut-il changer de cap tout de suite ? En pleine période de confinement, un dépistage tous azimuts a-t-il encore du sens ? Non répond clairement le Pr Pierre-Louis Druais, médecin généraliste et membre du conseil scientifique COVID-19 pour qui « il est désormais utile de dépister non pas à visée diagnostique (le virus circule sur l’ensemble des territoires et la symptomatologie est suffisante au diagnostic) mais pour observer la dynamique de l’épidémie. »
Faut-il au moins élargir le dépistage aux patients symptomatiques sans signe de gravité comme le propose l'Académie de médecine afin de « renforcer les procédures de confinement et d'isolement des personnes infectées » ? Là encore, la question fait débat. Dans ce contexte, « la clinique reste le primum movens comme souvent en médecine » repète le Pr Pierre-Louis Druais. En d’autres termes, la symptomatologie doit suffire à poser le diagnostic de COVID-19 et à mettre en œuvre l’isolement. Ce d’autant, « qu’il n’y a plus de grippe ».
L’intérêt épidémiologique d’une démarche de ce type, afin d’affiner les données de morbi-mortalité du COVID-19, est aussi mis en avant. Mais pour les autorités sanitaires, la surveillance syndromique mise en place depuis peu suffit. « Les tests ne servent pas à mesurer mais à contenir une épidémie », défend Olivier Véran.
L’élargissement du dépistage en Ehpad et aux établissements médico-sociaux pour circonscrire les foyers d'infections semble plus consensuel, d’autant que la symptomatologie paraît volontiers polymorphe dans cette population vulnérable. Alors qu’actuellement seuls les trois premiers résidents doivent officiellement être testés, un dépistage systématique pourrait permettre d’isoler avec certitude les personnes non contaminées de celles infectées. « C’est aussi une démarche à prévoir pour l’ensemble des soignants qui interviennent dans ces établissements » , souligne le Pr Druais.
Pas de « déconfinement » sans dépistage massif ?
A moyen terme, tout le monde s’accorde aussi sur la nécessité d’un dépistage pour le suivi et l'évaluation d’éventuels traitements ainsi que pour accompagner la sortie du confinement. « Lorsque le confinement commencera à être desserré, il faudra tester massivement la population », a d’ores et déjà prévenu le Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique COVID-19.
Mais là encore, plusieurs questions persistent. S’agira-t-il de tester tout le monde avant d’ouvrir les vannes ? Pas si sûr, a laissé entendre Olivier Véran : « Ce n’est pas sur la base d’un dépistage massif que nous mettrons fin au confinement mais c’est sur la base d’un dépistage massif que nous pourrions être amené à accroitre notre surveillance une fois le confinement levé. » En d’autres termes, l’effort de dépistage massif pourrait surtout servir à circonscrire au maximum une seconde vague.
Autre scénario : « Il y a actuellement des modélisations qui évaluent une stratégie dans laquelle seraient testées en priorité les personnes dont la sortie de confinement s’avère importante pour la société », explique le Pr Druais. L’idée serait à la fois de s’assurer que ces personnes ne sont pas (ou plus) porteuses du virus mais aussi d’avoir des données permettant de lever le confinement graduellement, une fois la proportion de sujets testés positifs passés sous un certain seuil.
Espérés sous peu, les tests sérologiques pourraient s’avérer très intéressants dans cette phase ainsi que dans la mise en œuvre d'enquêtes séro-épidémiologiques permettant d'évaluer la proportion de la population infectée et immunisée.
Reste à savoir quelles seront les performances diagnostiques des différents tests de dépistages, notamment en termes de sensibilité et de spécificité. « Ces données sont en train d’être évaluées », indique le Pr Druais.
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