Après « une forte diminution des cas et du taux de déclaration l’année de survenue de la pandémie », puis « les deux années suivantes » avec environ 4 500 cas par an, la tuberculose connaît un rebond en France en 2023, selon un rapport de Santé publique France (SPF) publié dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), en amont de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose du 24 mars.
Ainsi les cas déclarés de l’infection sont repartis à la hausse après 2022. Le « rattrapage » des cas diagnostiqués a joué un rôle dans cet inversement de la tendance, ainsi que les déplacements de population venant d’Ukraine vers l’Europe de l’Ouest.
La Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), quant à elle, souligne la présence toujours remarquable de formes multirésistantes de tuberculose – notamment avec les déplacements venant d’Europe de l’Est - et avertit sur la problématique des formes latentes.
Jusqu’au Covid-19, la tuberculose figurait en tête des causes de décès par infection dans le monde, et elle reste une préoccupation sanitaire internationale, comme l’a rappelé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors d’une conférence de presse le 18 mars 2024. L’infection est aujourd’hui responsable de 1,3 million de décès et de plus de 10 millions de cas annuels diagnostiqués de tuberculose maladie chaque année.
Deux hypothèses pour la baisse des cas pendant le Covid-19
En 2020, SPF rapporte 4 606 cas de tuberculose maladie diagnostiqués et déclarés en France (6,8 cas/100 000 habitants), un chiffre en baisse de 10,4 % par rapport à 2019. La tendance s’est conservée sur l’année 2021, puisque 4 306 cas ont été déclarés (6,4 cas/100 000 habitants), et l’année 2022 avec 4 217 cas (6,2 cas/100 000 habitants).
Cependant, en 2023, le nombre de cas déclarés remonte à 4 728. Ainsi, les auteurs mettent en relation l’incidence de la tuberculose en France sur la période 2020-2022 et « l’ensemble des mesures sanitaires et sociales mises en place afin de limiter la diffusion de la pandémie de Covid-19 ».
Concernant la période Covid, deux hypothèses sont avancées pour expliquer l’infléchissement de l’incidence : baisse des infections et diminution des diagnostics (moins bonne accessibilité aux soins). La pandémie n’a pas eu de conséquences sur la sévérité et la mortalité (chiffres stables entre 2018 et 2022).
Quant à la répartition régionale, les incidences sont plus élevées dans trois départements en 2022 : la Guyane (18,9 cas/100 000 habitants), Mayotte (13,2 cas/100 000 habitants), et l’Île-de-France (11,8 cas/100 000 habitants), qui concentrent un tiers des cas déclarés (n = 1 459) centrés sur le département de Seine-Saint-Denis (18,5 cas/100 000 habitants). Les auteurs précisent pour le cas de Mayotte, des taux « très dépendants des mouvements de population et donc plus difficiles à interpréter ».
Politique de l’aller vers
Enfin, une étude plus spécifique menée dans les Bouches-du-Rhône montre que parmi les cas dépistés entre 2018 et 2021, les tendances diffèrent selon les classes d’âge (39 ans d’âge médian, taux le plus élevé pour les 25-39 ans), le pays de naissance (deux tiers nés à l’étranger, notamment venant du continent africain pour 53 % des cas) ou le lieu de résidence. Les patients avaient pour moitié une ou plusieurs comorbidités avec 3 % de cas qui présentaient une co-infection par le VIH. Ces résultats confirment l’importance des interventions « d’aller vers » les populations vulnérables et de « ramener vers » le système de soin, décryptent les auteurs.
Le réseau des centres de lutte antituberculeuse (Clat) a rapporté le nombre de cas détectés par dépistage sur la période de février à octobre 2022 chez les personnes ayant fui l’Ukraine. Ils ont ainsi dépisté 8 621 personnes et ont retrouvé 17 cas de tuberculose pulmonaires (soit 197/100 000 personnes). Les auteurs expliquent que le nombre de personnes dépistées (10 % de la population cible présumée) n’est pas représentatif de la population déplacée (118 000 personnes déplacées), sachant qu’il y a eu en Ukraine « une forte augmentation en 2022 après le début de la guerre » malgré les progrès obtenus auparavant.
Un appel à la vigilance
Concernant la France, la Spilf tempère les chiffres bas par « une résistance croissante aux antibiotiques, mais aussi de l'existence de tuberculoses latentes susceptibles de se réactiver » et appelle ainsi à continuer la prévention et les dépistages précoces, notamment dans les populations à risque (personnes migrantes et personnes âgées qui pourraient avoir une tuberculose latente). À ce sujet, SPF rapporte un demi-million de personnes par an dans le monde contractant une forme multirésistante, avec des incidences plutôt faibles en Europe de l’Ouest puisque la France a compté en 2021 moins de 50 cas, un chiffre qui a augmenté en 2022 après l’arrivée de cas en provenance d’Ukraine et Géorgie.
À l’échelle internationale, l’OMS a ainsi insisté durant sa conférence sur les nécessaires investissements pour accélérer le développement d’un nouveau vaccin, et renforcer les politiques de prévention et de diagnostic précoce. « Nous avons les moyens d’en finir avec la tuberculose, en mettant des moyens dans la prévention, le dépistage et la vaccination. Le Covid a montré qu’en investissant, il était possible d’accélérer la recherche et développer un nouveau vaccin », a déclaré Teresa Kasaeva, directrice du programme Tuberculose de l’OMS.
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP