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Dossier

Des solutions pour l’accueil des handicapés

Accessibilité, êtes-vous si loin du but ?

Publié le 09/01/2015
Accessibilité, êtes-vous si loin du but ?


La loi du 11 février 2005 donnait dix ans aux établissements recevant du public (ERP) pour devenir accessibles aux handicaps. Si les délais de mise en conformité ont été rallongés, un certain nombre de démarches doivent être effectuées. Avec une règle de base, qu’on soit aux normes ou qu’on n’y soit pas : se signaler aux autorités. Mais pour le reste, les récents décrets ont prévu des assouplissements qui peuvent simplifier la vie des médecins, et les dérogations ne sont pas si impossibles à obtenir. Explications.

Pas de panique si au 1er janvier 2015 votre cabinet n’était pas – comme un bon nombre de vos confrères – conforme aux arrêtés de la loi. Même si le ministère de la Santé rappelle qu’aujourd’hui en France, 12 millions de personnes rencontrent des difficultés dans leurs déplacements, face au constat de non mise en conformité de la plupart des ERP, de nouvelles dispositions réglementaires ont été élaborées. Elles devraient permettre aux retardataires de faire le nécessaire… ou de s’en dispenser.

Cabinet accessible : attestation avant le 28 février

Si le cabinet médical, ERP de cinquième catégorie (1), est installé dans un bâtiment construit après le 1er janvier 2007, il est de facto accessible. Il peut avoir subi quelques travaux d’aménagement si, par exemple, il s’agissait d’un local d’habitation collective transformé en cabinet médical. Autre hypothèse, le cabinet est situé dans un bâtiment ancien et a déjà été adapté suivant les normes édictées par la loi de 2005.

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Quoi qu’il en soit, si le cabinet médical était accessible au 31 décembre 2014, le médecin (ou un contrôleur technique comme un organisme certificateur) doit s’acquitter de la rédaction d’une attestation d’accessibilité sur l’honneur. Cette attestation devra être transmise à la préfecture avec, le cas échéant, un rapide descriptif des travaux effectués pour compléter la mise en conformité et les pièces justificatives (attestation de bureau de contrôle, permis d’ouverture…). La date limite de dépôt de cette attestation obligatoire est fixée au 28 février 2015.

Cabinet non accessible : Ad’Ap avant le 27 septembre

Si le cabinet médical n’est pas conforme aux normes d’accessibilité, un délai supplémentaire a été instauré par le biais d’un nouveau dispositif : les Agendas d’accessibilité programmée (Ad’Ap). À charge pour les médecins de déposer un Ad’Ap en mairie ou en Préfecture avant le 27 septembre 2015. Il s’agit d’un formulaire Cerfa (2) obligatoire de programmation pluriannuelle des travaux qui seront nécessaires à la mise en conformité du cabinet. L’élaboration de ce document implique un audit préalable des lieux. Un auto-diagnostic est réalisable sur le site de la Délégation Interministérielle à l’Accessibilité (www.accessibilite.gouv.fr). Ce simulateur en ligne, très simple d’utilisation, reprend la totalité des éléments permettant une conformité complète à l’ensemble des handicaps physiques et sensoriels. Il est également possible de faire appel à un bureau d’études spécialisé.

Une fois l’audit réalisé, l’Ad’Ap devra détailler la nature, le coût des travaux prévus, leur financement, leur délai de réalisation (phasage annuel) qui peut s’étendre à trois ans (sans encourir le risque pénal prévu par la loi du 11 février 2005) et la liste des dérogations demandées. Sans réponse négative de l’administration (Commission Consultative de Sécurité et d’Accessibilité) 4 mois après le dépôt du dossier complet, cela signifie que l’Ad’Ap est validé et les travaux peuvent commencer. À charge pour le médecin de réaliser un état des lieux annuel de l’avancée des travaux et de la mise en accessibilité. Enfin, une fois les travaux terminés une déclaration sur l’honneur attestant que le cabinet est accessible doit être déposée en mairie ou à la Préfecture.

Ainsi, il n’est pas possible de demander de ne pas réaliser les travaux, mais on peut fort bien réclamer un délai supplémentaire. Attention, dans le cadre des anciens baux de location, il revient au locataire de réaliser les travaux de mise en accessibilité et de maintien de son local en conformité. Il est en effet stipulé dans le bail de location qu’il est de la responsabilité de l’exploitant de mettre aux normes ses locaux par rapport à la réglementation et à l’activité qui y est développée. Dans les baux récents, cette contrainte revient au propriétaire des lieux.

Simplification des normes pour les petites structures

Soulagement tout de même pour les petites structures accueillant du public, les derniers arrêtés ont en effet assoupli la réglementation. Si auparavant petits et grands établissements devaient se plier aux mêmes exigences, les normes tiennent désormais compte de la taille de la structure et de ses moyens. Les pouvoirs publics se félicitent également d’avoir permis une simplification des normes avec une meilleure prise en compte de chaque forme de handicap. Il semble que, mine de rien, la nécessité de conserver un tissu de cabinets médicaux de proximité soit prise en compte par les pouvoirs publics. Ainsi, par exemple, si les portes du cabinet médical font 80 cm de large, elles pourront être conservées, car la directive concernant ce point a été assouplie et les portes n’auront plus à faire 90 cm de large. Idem pour les sanitaires mis à disposition du public, qui ne sont pas obligatoires, sauf réalisations de tests urinaires. A priori on peut en conclure que des toilettes, non signalées, donc à usage personnel du médecin doivent faire l’affaire.

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Des dérogations plus larges qu’il ne parait

L’impossibilité architecturale, le classement en bâtiment historique ou la disproportion manifeste entre les travaux à réaliser et les finances de la structure étaient déjà source de dérogation. Reste qu’au-delà de ce cas de figure, à ce jour, une grande partie des cabinets médicaux ne sont pas conformes. Mais si la charge financière liée aux travaux entraîne des difficultés financières importantes ou aboutit à la fermeture de la structure, l’obligation peut être levée. Les pouvoirs publics indiquent qu’ils étudieront au cas par cas les possibilités économiques de chaque structure en difficulté. L’administration devra donc être en capacité d’apprécier le chiffre d’affaires des médecins et leurs charges ou leur possibilité d’investir. Mais on ignore sur quelles bases tel ou tel fonctionnaire municipal le fera…

En revanche, d’autres éléments peuvent aboutir à l’obtention d’une ou plusieurs dérogations lorsque tout ne peut pas être mis en conformité. Si, au terme de l’audit, il est établi que telle ou telle prescription inscrite dans les textes ne peut être respectée, l’obligation de mise en conformité peut être en partie levée. Autre source de dérogation à connaître : la rupture dans la chaîne du déplacement. Si la voirie donnant accès au cabinet médical n’est elle-même pas conforme à la loi, si les conditions d’accès extérieures ne permettent pas l’acheminement d’un fauteuil roulant par exemple (trottoir trop étroit, différence de niveau entre rue et cabinet médical…), le cabinet sera dispensé des règles d’accessibilité liées notamment aux handicaps physiques. Ce cas de dérogation n’est pas si rare : pour l’accessibilité d’un fauteuil roulant, il suffit que la rue ait une pente supérieure à 5 %, que le trottoir soit trop étroit (inférieur à 2,8m) pour installer une rampe ou que la différence de niveau avec la voirie soit supérieure à une marche. Attention, cela ne vaut pas dérogation pour la mise en conformité liée aux handicaps sensoriels.

Idem si l’ascenseur donnant accès au cabinet est non conforme. D’une manière générale, le refus de la copropriété d’effectuer les travaux sur les parties communes donne lieu à une dérogation automatique pour la mise aux normes relative aux handicaps physiques. Mais elle suppose de pouvoir fournir l’ensemble des pièces justifiant ce refus (incidence financière inacceptable pour la copropriété…). Le refus de la copropriété exonère de l’obligation de réaliser un Ad’Ap. Il est enfin désormais possible de demander une dérogation partielle en justifiant que la prestation peut être fournie par un autre moyen (visites à domicile). à condition bien sûr que la commune accepte cette contrepartie.

Quid des successions ?

L’affaire est plus compliquée en cas de cession. La loi de 2005 impose désormais à tout ERP ouvrant ses portes d’être accessible à toutes les formes de handicaps. Un médecin qui déciderait de s’installer a l’obligation de le faire dans un lieu conforme à la loi. Dans le cas contraire, il lui reviendrait de prouver par tous les moyens à sa disposition qu’il ne lui a pas été possible de trouver un lieu accessible. Cette obligation soulève la question de la succession. Il est désormais impossible à un médecin de revendre un cabinet qui ne serait pas aux normes, en tant qu’établissement accueillant du public. Autrement dit, le cabinet médical devra être transformé en lieu d’habitation par exemple et vendu comme tel. Concernant les praticiens qui projettent d’arrêter leur activité (départ en retraite, changement d’orientation professionnelle…), il leur revient d’indiquer au préfet leur projet de cessation d’activité avant le mois d’octobre 2015. À défaut, l’obligation de déposer un Ad’Ap reste entière.

Les contrôles, peu probables, mais toujours possibles

Aucun dispositif de surveillance de la mise en conformité des cabinets médicaux n’a pour l’heure été évoqué par les pouvoirs publics. Des contrôles inopinés sont peu probables, notamment dans les zones médicalement sous-denses, bien que les mairies se chargeront sans doute de vérifier qu’une démarche a tout de même été entreprise par le cabinet médical (diagnostique, Ad’Ap). Cela-dit, il ne faut pas éluder le risque éventuel de dénonciation, notamment par les copropriétaires. Les sanctions pécuniaires et pénales prévues dans le dispositif de la loi du 11 février 2005, sont lourdes. Les amendes s’échelonnent entre 2?500 euros et 45?000 euros (pour une personne physique) en cas de démarche non entamée, un Ad’Ap non déposé, ou le non-respect de l’obligation d’accessibilité. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 250 000 euros pour une personne morale. En cas de récidive, (non-exécution des travaux), le contrevenant s’expose à une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement. Les sommes récoltées via les sanctions devraient être réinjectées dans des projets de financements d’actions de mise en accessibilité. Quoi qu’il en soit, mieux vaux montrer patte blanche et une certaine bonne volonté. L’ensemble des aménagements ne peut pas être refusé en bloc.

Dossier réalisé avec l’apport technique de Jean-Paul Henry

 

de la SOCOTEC et de Fabien Le Nouvel du Bureau Veritas.

(1) Établissement public ou privé pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes maximum.

(2) Le document Cerfa est téléchargeable et disponible sur www.accessibilite.gouv.fr